Carol White, femme au foyer aisée, à la vie ultra réglée et peu excitante, partage son temps entre ses cours d’aérobic, la décoration de sa maison et son mari souvent absent. Un jour, elle commence à développer une allergie à tout ce qui l’entoure, respirant de plus en plus mal, alors que les médecins ne lui trouvent aucune maladie grave. Carol commence à sombrer dans une sorte de dépression…
Futur réalisateur de Loin du Paradis et de Carol, Todd Haynes a débarqué dans le paysage du cinéma américain indépendant au mi temps de la décennie 90 et imprimé tout de suite sa marque et son style personnel. Avec Safe, il signe un drame puissant, finement écrit, sur une psychose de l’environnement devenu totalement anxiogène pour son héroïne, une bourgeoise à la vie terne, trop rangée et faussement épanouie. Cette fable moderne sur la peur du monde qui nous entoure, il est vrai de plus en plus touché par la pollution, crée un malaise diffus chez le spectateur, observant cette femme victime de symptômes physiques réels (suffocation, saignements du nez, allergies) sans aucune solution médicale pour la soulager. Haynes sait parfaitement traiter son sujet de manière à ce que l’on ressente à notre tour le mal être de Carol, sûrement déjà instable mentalement depuis longtemps. Dans la seconde partie du métrage, elle finit par se rendre dans un inquiétant centre de traitement new age, faisant beaucoup penser à une secte hygiéniste, pour tenter de trouver des réponses à son problème. Dès lors, le film prend une tournure plus radicale, comme un thriller dérivant vers une issue peu réconfortante, l’endoctrinement insidieux auquel on assiste faisant finalement plus peur que le mystère même des maux. Safe, dérangeant et à la limite de la SF (la vision d’un futur irrespirable se dessinant nettement), impressionne par son actrice de choix.
J’ai nommé la grande Julianne Moore, le visage impassible, rendant à merveille les souffrances de son personnage, se fissurant sous nos yeux impuissants avec une maitrise remarquable. Sa composition extraordinaire laisse libre cours à plusieurs interprétations, toutes valables: est ce un début de folie, une sévère autopunition, une hypocondrie extrême ou tout simplement une inadaptation à une existence dorée mais vide de sens? Ce cinéma américain exigeant et profond marque hélas le pas de nos jours, offrant de moins en moins souvent des oeuvres aussi ambitieuse et qui ne rentre dans aucune case.
ANNEE DE PRODUCTION 1995.