Mona Bergeron est retrouvée morte, son corps gelé dans un fossé d’une région campagnarde du Sud de la France. On revisite les dernières semaines ayant mené à ce décès aussi banal que tragique.
Une fille seule sur les routes, une vagabonde insaisissable et rebelle, dans un parcours sans but ni point de chutes. Libre de vivre comme de mourir. Agnès Varda revient à la fiction, huit ans après L’une Chante, l’autre pas et filme l’errance de cette jeune femme sans jugement moral, dans une démarche quasi documentaire par moments. Elle entremaille son récit, fragmenté, par des témoignages face caméra de ceux et celles qui ont croisé la route de Mona avant sa fin, la décrivant souvent en quelques mots, n’ayant eux mêmes que peu d’informations sur elle. Varda fait feu de tout bois, livre le portrait d’une fille sans attaches, sans s’embarrasser de psychologie superflue, elle la suit au plus près, sans rien chercher de précis (comme le personnage), juste à la regarder telle qu’elle se présente: sale, débraillée, nonchalante et surtout en colère contre la société toute entière. Varda réinvente la manière de raconter une histoire, multiplie les points de vue , n’enferme pas son héroïne dans une image figée, elle la veut sans cesse en mouvement, et surtout choisit un sujet rude, difficile d’accès: la marginalité. Mona, c’est comme si le tiers monde partait en vadrouille, croisant le chemin de paysans comme de gens plus riches (notamment la platanologue ou la vieille mémé dans sa grande maison), tous éberlués ou fascinés par cette jeune routarde sans abri qui n’accepte aucune règle et ne se force pas à être sympathique. Pour elle, seuls comptent un bout de pain, une clope et un fond de musique pour accompagner son spleen.
Varda avait remarqué comme tant d’autres Sandrine Bonnaire chez Pialat, où elle explosait littéralement dans A nos Amours et la jeune actrice (18 ans au moment du tournage) rentre dans la peau sans artifices et à mille lieux de tout glamour de Mona, imprimant là un de ses plus beaux rôles, une étape décisive de sa carrière. Ses partenaires (Macha Méril, Stéphane Freiss, et Yolande Moreau à ses débuts) sont les témoins impuissants de la déchéance de cette fille boudeuse et énigmatique à la fois. De longs travellings permettent de filmer ses déambulations hasardeuses et les gros plans de son visage tentent de sonder son âme à la dérive. Cette oeuvre âpre et raide, donnant de la visibilité à une « paria », a obtenu le Lion d’Or à Venise et fut le seul succès populaire et critique de Varda, jusque là cantonnée à un cinéma confidentiel.
ANNEE DE PRODUCTION 1985.