En 1964, dans la campagne irlandaise, trois jeunes filles sont rejetées par leurs familles: Margaret a été violée, Bernadette est trop jolie et attire les garçons, Rose est fille mère, fait intolérable à cette époque. Toutes les trois sont livrées à l’autorité des soeurs de Marie Madeleine, dont le couvent abrite une institution devant les ramener dans « le droit chemin »…
Cette histoire terrible mais authentique se déroula pendant des décennies en Irlande et ce n’est qu’en 1996 que ces institutions religieuses fermèrent définitivement leurs portes! L’acteur réalisateur Peter Mullan met en lumière le calvaire subi par des dizaines de femmes, bannies de leurs familles et de la société, pour avoir eu le tort d’enfanter hors mariage, d’être trop attirantes ou même d’avoir subi un viol honteux. Elles étaient séquestrées dans ces prisons « religieuses », victimes de malnutrition, de mauvais traitements, en attente d’expier leurs « péchés ». Ce bagne pour jeunes filles « perdues » est un enfer quotidien, un lieu de supplices et de douleur physique et psychique: Mullan le filme comme pour livrer un documentaire témoignage, sans jamais oublier de soigner sa dramaturgie et sa mise en scène implacable nous cloue d’émotion du début à la fin. Le sort de ces personnages nous sidère tant que certaines séquences sont même difficilement supportables. Noircissant à peine le tableau, le réalisateur anglais signe une oeuvre choc et qui ne peut laisser indifférent. Il décrit l’enfermement, la dignité bafouée, l’humiliation avec une précision de métronome, et sans presque avoir recours au pathos, n’utilisant quasiment pas de musique (sauf à la toute fin), accentuant ainsi la sécheresse du propos.
Il faut impérativement citer le nom des trois comédiennes formidables tenant l’intrigue à bout de bras: Anne Marie Duff, Nora Jane Noone et Dorothy Duffy. Geraldine MacEwan incarne à la perfection la Soeur Bridget, sadique, méchante, ignoble. Ce plaidoyer pour la liberté, en faveur des femmes d’abord, indigne par la violence que l’Eglise a su mettre en place tout en se disant irréprochable et compatissante. A aucun instant, le film ne sombre dans l’apitoiement ou le larmoyant et c’est en cela qu’il bouscule à ce point. Il créa une onde de choc, obtint le Lion d’Or à Venise, et le public dans sa grande majorité comprit qu’il ferait désormais partie de ces films que l’on ne peut jamais oublier.
ANNEE DE PRODUCTION 2002.