Max et Riton, deux gangsters inséparables, comptent couler leurs vieux jours paisibles avec leur magot, le « grisbi », fruit d’un casse effectué à Orly. Mais Riton cause trop: il confie ce secret à Josy, sa maitresse, qui s’empresse d’aller cafter auprès d’Angelo, un trafiquant de drogue notoire, avec lequel elle trompe Riton. Angelo kidnappe le vieux truand et fait chanter Max pour récupérer le pognon…
A la fois pour rendre un hommage aux films noirs américains qui ont nourri sa prime jeunesse et pour en donner une vision personnelle, le réalisateur de Casque d’Or, Jacques Becker, adapte le roman d’Albert Simonin et livre une rafraichissante description du milieu des truands. Ici, ils sont quinquagénaires, en bout de course, pressés de se ranger et trimballent une furieuse envie de se caser dans une vie plus respectable. Des personnages profondément humains, toujours avec leurs codes d’honneurs intact, nourrissant entre eux des amitiés indéfectibles, comme celle liant les deux protagonistes, Max et Riton. Ainsi, sur l’air à l’harmonica de Jean Wiener qui a immortalisé le film, le scénario se préoccupe moins de l’action pure et des enjeux entourant l’argent que de la psychologie de ces gangsters finalement touchants. Becker nous sert des dialogues savoureux, entre bons mots et argot parigot, présentant un héros qui ne peut se défaire de sa condition et qui doit composer avec. Au fur et à mesure que l’intrigue avance, les images passent du clair à l’obscur, un procédé typique du « film noir » et que Becker restitue parfaitement bien, en redonnant au film policier français une renaissance éclatante.
Touchez pas au grisbi marque surtout la résurrection de Jean Gabin, après plusieurs échecs, dans un rôle majeur de sa carrière: il y impose sa maturité de jeu, son aspect débonnaire, son autorité naturelle et sa distribution de baffes est rentrée dans les mémoires. A ses côtés, un débutant et ancien catcheur nommé Lino Ventura, au charisme évident, et qui tient fièrement tête au pacha, s’ouvrant une voie royale dans le cinéma hexagonal. Tout comme Jeanne Moreau, une des seules figures féminines de ce film d’hommes, et que l’on remarque sans peine dans son rôle court et pourtant déterminant, puisque c’est par elle que « tout se grippe ». Avec son goût du détail et son réalisme très bien croqué, ce grisbi là n’a peut être pas d’odeur, mais une véritable saveur!
ANNEE DE PRODUCTION 1954.