L’expansif Maxime dirige d’une main de fer une lutherie avec son ami Stéphane, un maître artisan solitaire, secret et introverti. Un jour, Maxime tombe amoureux d’une violoniste virtuose Camille, cliente chez eux. Contre toute attente, Stéphane sort de sa réserve et décide de séduire la jeune femme, plus par défi envers son ami. La situation va s’avérer très compliquée…
Toute la délicatesse, la splendeur et la profondeur du cinéma de Claude Sautet semble trouver sa quintessence dans ce Coeur en Hiver. Habitué à sonder l’âme humaine, ses tourments, et ses démons passionnels, le réalisateur de César et Rosalie nous gratifie ici d’un scénario brillant, écrit à quatre mains avec son complice Jacques Fieschi. Un drame psychologique tout en finesse, à la beauté mystérieuse, frôlant par moments l’exercice de style et cultivant une certaine froideur. Pourtant, c’est un film qui se laisse apprivoiser, lentement mais sûrement, et qui sous un aspect un peu sec, ne demande qu’à être dompté, à l’image de son personnage principal. Cet homme quasiment désincarné, anesthésié face aux sentiments qu’il éprouve mais qu’il réfute en bloc, et qui du coup fait souffrir l’objet de son amour est joué par Daniel Auteuil, de façon magistrale. Avec une retenue exemplaire et des regards d’animal blessé, il impose sa présence dans un rôle difficile et à priori peu « aimable ».
Avec une grande intelligence, Sautet capte les tourments silencieux de cet handicapé émotionnel par petites touches, abordant comme toujours ses thèmes de prédilection: l’amitié, le trio amoureux, les sentiments contrariés et la filiation. Donnant aussi à la musique une place prépondérante, les séquences s’égrennent au son des mélodies de Ravel et apportant une respiration toute particulière à ce drame qui se noue, entre des personnages qui se regardent sans se voir, qui se frôlent sans se toucher, qui s’aiment sans se l’avouer. Et puis, il y a la pierre précieuse en la personne d’Emmanuelle Béart que Sautet dirige pour la première fois, laissant éclater un talent brut, une brisure derrière la beauté d’un visage féminin. Elle est frémissante, brûlante de désir et absolument sublime. L’intensité de son regard dans le plan clôturant le film ne laissera pas grand monde indifférent. Une oeuvre douce et violente, comme un orage de fin d’été.
ANNEE DE PRODUCTION 1992