Frédéric Delamont, industriel très riche, raffiné et phobique, propose à un jeune serveur, Nicolas Rivière, de devenir son goûteur attitré. Moyennant un salaire mirobolant bien sûr. Une relation professionnelle insolite et trouble qui prend une tournure de plus en plus dangereuse au fil du temps…
Le journaliste Bernard Rapp adapte le roman de Philippe Balland pour sa seconde incursion cinématographique. Aidé au scénario par le prolifique Gilles Taurand (pour Téchiné ou Honoré surtout), il se penche sur cette histoire singulière de fascination et de perversion d’un homme sur un autre. Traité comme un thriller psychologique, Une affaire de goût déroute, captive même si la trame en flash back donne d’emblée des pistes sur la tournure des événements (ce n’est pas le plus réussi d’ailleurs), apporte au gré des séquences un malaise de plus en plus palpable. La relation nouée entre les deux hommes baigne dans une atmosphère d’étrangeté élégante, rappelant deux autres films célèbres, The Servant de Joseph Losey et Une étrange affaire de Granier Deferre: le prédateur dominant profite de son emprise sur son « esclave consentant et piégé ». L’ambiguité sexuelle n’est jamais loin, pourtant l’homosexualité n’est pas du tout le propos, il s’agit davantage d’un pouvoir psychique se mettant en place lentement mais sûrement, jusqu’au climax final.
Le contexte culinaire rajoute une touche raffinée dans ces rapports si particuliers, et la fonction de goûteur pour aussi incongrue soit elle, se trouve presque naturellement justifiée. La mise en scène de Rapp peut sembler presque trop sage et trop académique pour un sujet aussi fort, mais heureusement les situations complexes dérangent et mettent délicieusement mal à l’aise. Un esprit Chabrolien semble flotter en continu dans l’écriture rigoureuse et la toile d’araignée, se tissant autour du personnage de Rivière, est implacablement construite. Pour jouer la séduction vénéneuse teintée de sadisme, il fallait un comédien subtil et au registre pointu: Bernard Giraudeau fut le choix le plus judicieux et donne une réelle épaisseur à ce beau rôle inquiétant. Face à lui, Jean Pierre Lorit se débrouille très honorablement en victime vacillante. Le film a obtenu un Grand Prix mérité au Festival policier de Cognac.
ANNEE DE PRODUCTION 2000.