Louis Coline est l’assistant du chef de la publicité pour une marque de grands magasins. Peu investi dans son travail, il rame et il est un des derniers maillons de la chaîne d’une entreprise, en plein essoufflement. Bientôt, un nouveau directeur est nommé pour redresser la barre. Patron mystérieux et anti conventionnel, Bertrand Malair prend Louis sous son aile, jusqu’à s’immiscer dans sa vie privée de manière intrusive…
Pierre Granier Deferre a offert à notre cinéma hexagonal de belles oeuvres comme Le Chat ou Le Train et s’est souvent montré très compétent conteur et bon metteur en scène, toujours au service de ses histoires et de ses comédiens. Cette Etrange Affaire ne déroge pas à la règle, c’est même sûrement son meilleur long métrage. Le scénario raconte une fascination (le jeune héros Coline subjugué par le charisme de son patron Malair), mais aussi une emprise mentale aussi insidieuse que dérangeante. Commençant par dépeindre la banalité du quotidien dans une grosse entreprise, le film glisse progressivement dans le bizarre avec l’arrivée de ce personnage superbement écrit de dirigeant énigmatique, sorte de gourou volontiers cassant ou déstabilisant. Dès lors, un malaise constant s’installe pour ne plus nous quitter, au travers de répliques assassines et surtout du comportement vampirique de ce dinosaure de la grande distribution. Granier Deferre nous invite à nous questionner: Pourquoi devient on, sans s’en rendre compte, la victime d’un manipulateur?
La réalisation semble classique et peu inventive, pourtant elle n’a de cesse d’accompagner au plus près les personnages dans leurs états (Louis dans son aveuglement, Malair dans sa perfidie, et également Nina, l’épouse qui comprend son impuissance). Très subtilement composé, ce film troublant ne donne pas toutes les réponses dans son final, très ouvert à plusieurs interprétations, c’est aussi ce qui le rend insaisissable et inconfortable. Au niveau des acteurs, Gérard Lanvin en jeune assistant naïf et esclave consentant fait une prestation très louable, mais c’est surtout Michel Piccoli qui hante littéralement l’espace, par sa présence magnétique. Certainement une des ses deux ou trois meilleures performances. Jean Pierre Kalfon et Jean François Balmer aussi apportent beaucoup à l’ensemble dans leurs rôles de sbires damnés. Enfin, Nathalie Baye a reçu le César de la Meilleure actrice dans un second rôle, elle est efficace comme tout en épouse délaissée, assistant au désastre. Sur les rapports de pouvoir d’un être humain sur un autre, le film mérite un beau tapis rouge et garde une excellente réputation avec les années. Prix Louis Delluc 1981.
ANNEE DE PRODUCTION 1981.