Reiko, veuve de guerre qui s’occupe du petit commerce de sa belle famille, voit son avenir menacé avec l’ouverture de supermarchés dans le quartier. Alors que ses belles soeurs l’encouragent à se remarier et à refaire sa vie ailleurs, Koji, son beau frère plus jeune qu’elle de dix ans, lui déclare son amour…
Avec ce très beau mélodrame intense et sobre à la fois, le grand réalisateur japonais Mikio Naruse peut non seulement dresser un portrait féminin tout en finesse, raconter une histoire d’amour impossible, mais aussi apporter un constat social sur la situation du Japon au milieu des années 60. En effet, l’archipel a été depuis la fin de la guerre en proie à une récession terrible, un chômage galopant, une misère accrue, et le film montre que le pays se relève, après vingt ans de privations et de vaches maigres. Les bouleversements socio économiques de cette chronique humaniste sont pointés du doigt avec l’arrivée massive de gros supermarchés, menaçant les petits commerçants, aspirant leur clientèle et les poussant à la faillite. Naruse s’attache à cette famille essentiellement composée de femmes (la mère, les soeurs et donc la belle soeur veuve), toutes courageuses et travailleuses, alors que la seule figure masculine Koji est celle d’un jeune homme à la vie dissolue et refusant de s’aliéner au travail.
Avec beaucoup de délicatesse, le cinéaste glisse ensuite dans le thème du sentiment amoureux tourmenté, cette difficulté à aimer ou en tout cas de vivre son amour de manière sereine. Entre le néoréalisme d’un Rossellini (beaucoup de scènes de rues) et la tragédie d’un Ozu (on pense à Voyage à Tokyo bien souvent), Mikio Naruse fait preuve d’une mise en scène miraculeuse, dosant ses effets dramatiques et évitant toujours le pathos. La séquence du train avec ses deux personnages échangeant des regards très expressifs est à ce titre une merveilleuse illustration du génie de son auteur. Sa comédienne fétiche, la jolie Hideko Takamine, habite littéralement l’espace et nous émeut dans son sacrifice amoureux, broyée par les conventions. La fin possède un aspect brutal, mais dont le lyrisme éperdu ne peut que nous toucher profondément.
ANNEE DE PRODUCTION 1964.