Pour ses vacances en Europe, Jane Hudson, une vieille fille américaine de bientôt 50 ans, a choisi Venise. Elle s’installe dans une jolie pension, fait du tourisme, cultivant sa solitude et sa mélancolie. jusqu’au jour où elle fait une rencontre inattendue: celle avec un bel Italien, Renato, un antiquaire marié (qui le lui cache). Ils se plaisent l’un l’autre et commencent à se fréquenter, entre les diners en tête à tête, les balades romantiques. Cela bouleverse toutes les certitudes que Jane avait ancré dans son coeur…
Avant d’entamer sa longue et belle série de superproductions américaines (Jivago, Rivière Kwai, etc..), le cinéaste David Lean termine sa parenthèse britannique avec ce mélodrame un peu désuet, tourné entièrement à Venise même, voulant rendre un hommage appuyé à cette ville d’eau, dont il est tombé très amoureux. Cette brève rencontre, intimiste, légère et grave à la fois, possède un aspect un peu « carte postale », mais le Technicolor et les images superbes que Lean nous offre font largement passer cette impression. Dressant un portrait féminin intéressant pour le cinéma de cette époque (à savoir une femme mûre célibataire et menant une vie solitaire), il sort des sentiers battus, même si la romance qu’il lui fait vivre dans les bras d’un bel Italien est en soi moins originale, il parvient à toucher par un romantisme suranné très charmant. Lean sait se servir admirablement des décors naturels de Venise, nous entrainant dans les lieux incontournables (Palais des Doges, Place Saint Marc), mais aussi dans les ruelles sombres et secrètes dans lesquelles les deux amants déambulent.
Il filme aussi très bien l’inexorable passage du temps, pointant du doigt ce que l’on perd en quelques secondes (l’impression fugace du bonheur, une rose blanche dans le fleuve), et bien entendu, il s’attarde sur son héroïne, campée par la grande Katharine Hepburn, jouant la femme à la dérive, en mal d’amour, n’attendant plus rien de miraculeux, jusqu’à ce coup de foudre superbe, mais éphémère. Elle est de tous les plans et crève l’écran de sa présence que l’on ne discute plus, au vu de sa prodigieuse carrière. Son partenaire, Rossano Brazzi, est un bellâtre italien au jeu limité (on le reverra en amant d’Ava Gardner dans La Comtesse aux pieds nus), cependant tout à fait à sa place en amoureux transi. Une certaine tristesse parcourt tout le film, sans que l’on sache la chasser tout à fait, et cette aventure sentimentale mise en scène de manière élégante échappe à l’ordinaire qu’il laissait pourtant craindre.
ANNEE DE PRODUCTION 1955.