La vie des étranges habitants d’un immeuble de banlieue qui se dresse dans un immense terrain vague et qui tous vont se fournir chez le boucher-charcutier, à l’enseigne « Delicatessen ».
Des propositions de cinéma sortant de l’ordinaire n’étant pas légion en France, Delicatessen a d’autant plus surpris tout le monde (public et critique) par son originalité totale, son aspect « ovni hors du commun » et son esthétique empruntant autant au réalisme poétique de Carné qu’à l’expressionnisme ou à l’univers déjanté d’un Terry Gilliam. Les deux compères, Marc Caro et Jean Pierre Jeunet, chacun dans leur spécialité (le premier pour les images, le second pour le récit) ont accouché d’une oeuvre devenue immédiatement culte, en réussissant de curieux mariages: à la fois de la comédie burlesque (mais noire) et du fantastique, du bizarre et de l’insolite. Casse gueule sur le papier, Delicatessen conte la vie quotidienne d’un immeuble et de ses étranges habitants, tous terrorisés par un inquiétant boucher vendant tous types de viandes (même humaines!!). Le film fonctionne par saynètes, par vignettes visuelles et sonores, proches parfois de petits sketches iconoclastes et réalisé avec des gadgets, des bouts de ficelle et surtout un esprit fantaisiste radical. Au milieu de la drôlerie, le macabre s’invite tel un hôte indésirable semant la zizanie, le scénario ne cherchant ni à être réaliste ni à être crédible à tout prix: Jeunet s’amuse avec son imaginaire et offre des moments de pure poésie. Sous l’influence très nette de la BD et du cartoon à la Tex Avery, Delicatessen ne perd presque pas le sens du rythme durant 1H30 et s’impose comme une dinguerie inclassable.
La distribution, véritable vivier de trognes hallucinantes, convoque Jean Claude Dreyfuss en boucher très méchant et à la machette facile, Dominique Pinon en ex clown farceur, Karin Viard en locataire sexy, mais aussi Rufus, Dominique Zardi, Ticky Holgado, Howard Vernon, Anne Marie Pisani, etc… N’oublions pas de souligner la qualité exceptionnelle du montage, syncopé, millimétré, rendant l’ambiance apocalyptique de cet immeuble proche de la Quatrième dimension. Avant Amélie et Un long dimanche de fiançailles, Delicatessen a révélé au grand jour les talents de conteur de Jeunet, même si l’on peut considérer que Marc Caro a évidemment autant de mérite à tirer de cette expérience cinématographique réellement unique. 35 ans plus tard, le film n’a rien perdu de son impact.
ANNEE DE PRODUCTION 1991.