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INGRID BERGMAN

1915/1982

Ingrid Bergman est née en Suède en 1915, au milieu du premier conflit mondial. Le sort s’acharne très tôt sur elle, puisqu’elle est orpheline de mère dès l’age de deux ans. Elevée par un père veuf mais aimant, elle tente de s’épanouir comme elle le peut jusqu’à trouver sa vocation d’actrice au seuil de sa dixième année, lorsqu’elle découvre une pièce au Théatre Royal de Stockholm. Toute l’énergie, la vie qui émanent de la scène vont la happer pour ne plus jamais la quitter. Hélas, les drames personnels s’enchaînent pour l’adolescente, qui perd également son père et va être placée chez une tante et un oncle chargés de son éducation. Elle fait ses gammes sur les planches au Dramaten Theatre et un réalisateur suédois, Gustaf Molander, la remarque assez vite. A 17 ans, elle joue pour la première fois devant une caméra, sans formation académique, mais avec un désir de percer plus fort que tout. Entre 1933 et 1938, elle va tourner plus de dix films dans sa langue natale, qui seront ses galops d’essai, dont un seul sera déterminant Intermezzo, un gentil mélodrame assez émouvant qui va beaucoup plaire aux américains. Et à un certain David O’Selznick!

D’emblée, cette nouvelle très jolie actrice attire les producteurs les plus en vogue, mais c’est Selznick qui la convainc de tourner un remake du fameux Intermezzo en 1939, ce qui va lancer une bonne fois pour toutes la carrière d’Ingrid. Le film est un triomphe et elle devient une star en un temps record, et ce malgré un physique plutôt atypique; d’abord elle a une taille inhabituelle (plus d’1M75), un visage arrondi, et refusera tout net la chirurgie esthétique ou le trop plein de maquillage qui auraient abimé ce diamant brut qu’elle était. Son naturel plait au public et son jeu surtout la place au firmament des comédiennes capables de tout interpréter. Au début des années 40, elle se fait remarquer dans le rôle d’Ivy, la prostituée terrorisée par le méchant Mr Hyde (quand celui ci n’est plus le Docteur Jekyll) et fait preuve d’une belle palette d’émotions, face à Spencer Tracy et Lana Turner. Mais le zénith de son succès est atteint en 1943 quand elle s’illustre dans le classique absolu Casablanca , en amoureuse éperdue de Bogart qui veut que l’on joue « As time goes by » pour leur idylle contrariée. Ce couple de légende marque à jamais les mémoires et Ingrid, rayonnante, y gagne un passeport pour l’éternité!

Hollywood est fou d’elle, le monde entier l’admire, les réalisateurs les plus audacieux et les plus prestigieux la réclament. Au premier rang desquels l’immense Alfred Hitchcock, très friand de sa beauté nordique à la fois un peu froide mais laissant couver sous la surface, un feu dévastateur. Le maître l’utilise dans deux longs métrages passés à la postérité La maison du Docteur Edwardes et surtout Les Enchainés , dans lesquels elle passe d’une psychiatre se battant pour innocenter son patient accusé de meurtre à une irrésistible espionne américaine épousant un Nazi, afin de le faire plonger. Quelque soit l’emploi, elle est lumineuse, décidée, battante et fait l’admiration de ses partenaires masculins, dont elle s’éprend parfois (Gregory Peck, Gary Cooper, Cary Grant). En 1944, Ingrid décroche son premier Oscar pour Hantise, un film angoissant qui la voit incarner la victime d’un mari machiavélique tentant de la rendre folle. A la ville, la jeune comédienne est mariée à un gentil chirurgien, maman d’une petite fille, bref elle coche toutes les cases de la femme parfaite! Elle se prend de passion pour Jeanne d’Arc, lit une quantité industrielle de récits sur le destin de la Pucelle et met tout en oeuvre pour l’immortaliser à l’écran. Ce sera chose faite, grâce à son abnégation tenace, elle est dirigée pour l’occasion par Victor Fleming (un des auteurs d’Autant en emporte le vent), en 1948 le film voit le jour et sera couronné d’éloges, ainsi que son interprétation habitée. Et tant pis si les libertés prises avec l’Histoire peuvent être reprochées à ce produit purement hollywoodien.

L infatigable athlète qu’elle est dans son métier lui a offert la gloire et l’amour de tous, mais en 1949, tout va changer radicalement! Elle tombe follement amoureuse de Roberto Rossellini en découvrant son film Rome ville ouverte , c’est un choc pour Ingrid qui n’a plus qu’un désir: approcher le cinéaste italien, le connaitre, le séduire et devenir sa femme. La star choyée par l’Amérique va alors déclencher une vague de haine, de rejet et de calomnies inimaginables, la presse qui l’avait érigée en madone Sainte Nitouche la voue aux enfers, le public ne comprend pas et se détourne de leur idole. Cette violence sera à la mesure du puritanisme galopant de ce pays de cocagne finalement bien hypocrite et intolérant. Il est vrai qu’en femme moderne et jusqu’au boutiste, elle a fait le choix de tout plaquer: son mari, sa fille et surtout sa carrière américaine alors au top! Bref, une décision paraissant aux yeux du monde suicidaire et aberrante! Sauf que l’indomptable Ingrid veut réussir sa vie de femme et ne concède rien à son nouveau bonheur. Elle va vivre en Italie, refaire du cinéma autrement, à la manière de son nouvel amour. Rossellini a quasiment inventé le néo réalisme, il tourne en extérieurs, avec très peu de moyens et plonge au coeur des émotions humaines. Elle doit s’adapter à cette façon de faire des films si différente et elle devient sa muse, donnant de son talent sur cinq oeuvres de 1949 à 1955. Stromboli , La peur, Jeanne au bûcher sont les moins pertinents, par contre ils accouchent de deux chefs d’oeuvres Europe 51 et Voyage en Italie. Elle y est filmée avec très peu de maquillage, encore moins d’artifices qu’à Hollywood et pourtant elle y est plus sublime que jamais. Le scandale causé par leur collaboration et leur histoire d’amour sera total puisqu’elle fera aussi trois enfants à Roberto, dont la petite Isabella qui deviendra plus tard actrice comme sa mère.

Durant la seconde moitié des années 50, le torchon brûle entre les deux amants et leur vie commune s’achève. Point d’amertume pour Ingrid qui rebondit encore, sans cesse positive, et avide de travailler autant que possible! Elle refait du théatre, joue en français et tourne un film avec son ami Jean Renoir Elena et les hommes. L’Europe l’a adopté, mais voila que la machine américaine refait appel à elle, lui pardonnant son « péché » et lui offre un rôle dans Anastasia, et au passage un second Oscar, semblant signifier que les Etats Unis lui sont à nouveau ouverts avec plaisir. Pourtant, elle décide de ne pas se figer dans tel ou tel endroit et à près de 50 ans, elle accepte des films mettant encore en valeur sa beauté et son visage si pur. Son aura ne se ternit pas mais bien entendu les longs métrages qu’elle choisit ne sont plus à la hauteur de son talent immense. Demeurent parmi ses jolies prestations de la décennie 60, la femme prise entre son amant confortable et un jeune soupirant très épris dans Aimez vous Brahms? , ce très beau film d’amour où elle partage l’affiche avec Yves Montand et Anthony Perkins, ou bien Fleur de Cactus (1968) sa seule comédie franche et réjouissante, dans laquelle elle campe la secrétaire vieille fille d’un dentiste frivole. Sa classe est intacte, y compris dans les tenues les plus ringardes.

Entière, jamais rassasiée de jouer, Ingrid poursuit une carrière en dents de scie dans le dernier épisode de son existence. Bien sûr, ses rides et son image accusent le temps qui passe inexorablement, mais que diable l’apparence, elle ne se laisse pas abattre quand elle apprend souffrir d’un cancer au milieu des années 70. Elle décide de se soigner, de serrer les poings et de continuer à travailler. Total : un 3e Oscar lui est attribué pour sa participation au Crime de l’Orient Express, et surtout une rencontre capitale a lieu avec son compatriote Ingmar Bergman, qu’elle admire et qui rêve de lui donner un grand rôle. Ce sera  Sonate d’Automne , un puissant drame brillamment écrit et mené. Ingrid y est une pianiste de renom revenant voir sa fille après des années d’absence, des retrouvailles qui vont virer au réglement de comptes le plus cruel qui soit. Une fois n’est pas coutume, son chant du cygne sera pour la télévision, elle incarne la première ministre iranienne Golda Meir, allant jusqu’au bout d’un tournage très éprouvant, usant ses ultimes forces. Le cancer n’a pas cessé de la ronger hélas, et le rideau tombe le jour de ses 67 ans, Ingrid meurt entourée des siens, presque sereine du devoir accompli, ne regrettant rien d’une vie qui l’a comblée et dont elle a savouré chaque chapitre.

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