France, 1942. Gerbier, ingénieur des ponts et chaussées, est également un des chefs de la Résistance. Dénoncé et capturé, il est incarcéré dans un camp de prisonniers. Alors qu’il prépare son évasion, il est récupéré par la Gestapo… Sur Marseille, il est chargé avec Félix et Le Bison d’exécuter un dénommé Doinot, qui les a trahis…
Sans emphase, L’Armée des Ombres se présente comme un film « simplement » dédié à l’héroïsme de la Résistance gaulliste et Jean Pierre Melville a pu en être l’auteur idéal parce qu’il a lui même fait partie d’un réseau de Résistance pendant l’Occupation, avant de devenir le cinéaste que l’on sait. S’appuyant sur le livre de Joseph Kessel, témoignage poignant publié à Alger à la sortie de la guerre, il livre un des meilleurs (sinon le meilleur) opus réalisé sur cette sombre époque avec un lyrisme sobre, une mise en scène nette et précise (comme il en usera pour ses oeuvres policières, Le Cercle Rouge et Le Deuxième Souffle), un engagement total dans son sujet et une évocation de ses thèmes de prédilection que sont la fraternité, le sens du devoir, le respect du code moral. Gerbier, son héros, traverse l’intrigue dans une solitude extrême, même lorsqu’il est aidé par ses amis résistants, comme si son combat ne pouvait être vécu que dans une profonde intériorité. Melville refuse tout spectaculaire, décrit des êtres courageux et lâches à la fois, dans toute leur humanité, et surtout ne verse dans aucun manichéisme « pratique ». Sur la musique d’Eric de Marsan et son air bien connu ayant servi de score pour l’émission Les Dossiers de l’Ecran, L’Armée des Ombres possède tout autant les contours d’un polar à suspense que d’un drame historique édifiant sur ceux et celles qui ont cherché à sauver la France de l’ennemi nazi.
Des comédiens admirables consolident la charpente déjà solide du métrage. A commencer par Lino Ventura, en chef de la Résistance taiseux, il est formidable et retrouve Melville trois ans après Le Deuxième Souffle. Une énorme mésentente éclata entre les deux hommes, au milieu du tournage, ce qui ne se ressent pas du tout dans le résultat final. Paul Meurisse, Jean Pierre Cassel, Christian Barbier, Paul Crauchet constituent le reste du casting. Et en guise de cadeau, Simone Signoret campe Mathilde, l’intendante inflexible du groupe, avec une autorité naturelle inouïe et y ajoute aussi une humanité supplémentaire. Il faut voir avec quel sens de l’épure Melville filme une des scènes d’exécution (silencieuse) les plus terribles qui soit pour mesurer à quel point L’Armée des Ombres s’inscrit dans la catégorie des très grands classiques du cinéma français.
ANNEE DE PRODUCTION 1969.