Le Caire, 1947. Une terrible épidémie de choléra bat son plein. Une belle lavandière, Saddika, vit avec son mari paralytique et son petit fils, Hassan. Elle fuit pour éviter au petit de tomber malade et croise sur sa route un jeune homme, Okka, accompagné de sa guenon Rose, plein de fantaisie et amateur de comédies musicales. Okka va découvrir en Saddika une femme altruiste, constamment dans le sacrifice…
A la base, Le Sixième Jour est un roman d’Andrée Chedid dont se sert le cinéaste égyptien Youssef Chahine pour matière de son 30e long métrage. Située dans l’immédiate après guerre au Caire, l’histoire suit le parcours d’une femme passant progressivement de la soumission à l’émancipation, s’échappant de sa vie affective misérable grâce à des distractions comme le cinéma, un des seuls moyens pour nourrir son imaginaire. Chahine livre une oeuvre étonnante entre mélodrame, satire sociale, portrait féminin et même comédie musicale! Le récit, dédié à Gene Kelly, s’avère en effet quelque peu déconcertant, partant dans plusieurs directions, cherchant surtout à éviter les pièges du pathos. L’incursion de quelques chansons, justifiée par le caractère impétueux et fantasque du montreur de singe, entend ajouter une certaine légèreté, comme le fait presque toujours le cinéma indien par exemple. Saddika, l’héroïne, renfermée, volontaire, est un personnage émouvant, évoluant entre réalité et rêves, portée par l’amour qu’elle donne sans compter à son petit fils. Chahine la suit dans une Egypte pauvre, animée par une foi inébranlable, telle une madone solitaire entièrement dévouée aux autres.
Le Sixième Jour révèle en tout cas le tempérament de tragédienne de Dalida, ayant jusque là été essentiellement la chanteuse populaire que l’on sait. Le cinéma lui avait bien offert quelques petits rôles à ses tout débuts, mais jamais dans un registre aussi intéressant et riche. Elle fait de sa Saddika une femme de coeur, touchante, profondément humaine. A ses côtés, le jeune Mohsen Mohieddine a tendance à en faire des caisses, contrastant avec la performance contenue de l’interprète de Gigi L’Amoroso. Youssef Chahine a su la regarder autrement, la filmer avec justesse, et la voir ainsi « transformée » a quelque chose de poignant, à peine quelques mois avant qu’elle ne tire sa révérence. Dans le plan final, quand elle salue le jeune homme pour le quitter d’un signe de main, on ne peut s’empêcher de penser que c’est bien Dalida elle même qui nous adresse un ultime adieu.
ANNEE DE PRODUCTION 1986.