Philip Carey, étudiant en médecine, souffre d’un pied bot qui le complexe beaucoup. A Londres, il fait la connaissance d’une jeune et jolie serveuse, Mildred. Philip lui voue une véritable adoration. Mais sous son charmant visage se cache une femme cupide et manipulatrice qui va l’entrainer dans une longue et effroyable descente aux enfers…
D’après le roman de Somerset Maughan, intitulé en anglais Of Human Bondage, L’Emprise est devenu un film américain de John Cromwell racontant l’histoire d’un peintre raté reconverti en étudiant en médecine, tombant follement amoureux de la femme qu’il « lui faut pas ». Une petite serveuse qui va se révéler cruelle et irrémédiablement mauvaise pour le jeune homme pourtant prêt à tout sacrifier pour elle. Ce drame sombre évoque bien sûr les conséquences d’un amour non partagé, mais surtout d’une dépendance affective profonde entrainant le héros principal dans une spirale d’autodestruction infernale. Cromwell suit ce « couple » maudit en gardant une assez bonne distance pour nous rendre témoins (impuissants) des agissements odieux de la jeune femme et de la gentillesse constamment bafouée de son « serviteur », aveuglé par ses sentiments. D’aucuns jugeront peut être que le trait semble caricatural et grossier, pourtant il existe bel et bien des relations toxiques de ce genre en tous pays et en toutes époques. De plus, Cromwell a eu l’intelligence de ne pas verser dans le mélodrame tentant, il reste dans une tonalité sèche et de ce fait encore plus terrible. Entre l’abandon, les désillusions et l’état de naïveté sans cesse renouvelée, le personnage de Philip explore les dérives de l’amour masochiste éperdu. Cette peinture féroce détonne littéralement dans la production hollywoodienne des années 30.
Si Leslie Howard incarne avec un tantinet de retrait l’amoureux trop gentil avec son physique de blondinet gracile, le film repose entièrement sur la prestation absolument incroyable de Bette Davis. Ne craignant jamais de s’enlaidir ni surtout de jouer des monstres, l’actrice a pris l’accent d’une Anglaise issue des classes populaires, affichant un dédain et une méchanceté inouïe face à celui qui se tuerait pour elle. Impensable qu’elle ne décrocha pas d’Oscar pour ce rôle sans doute trop noir et retors. Il lui permit en tout cas d’élargir ses capacités d’interprétation et de se spécialiser ensuite dans les personnages de femmes détestables. Sans elle, L’Emprise serait juste un bon film: elle le transforme en classique du cinéma américain.
ANNEE DE PRODUCTION 1935.