De boulots minables en cambriolages miteux, d’expériences érotiques merdiques en terribles désillusions amoureuses, voici le quotidien calamiteux de Fred et Antoine, colocataires en galère. Le premier ne fait à peu près rien de ses journées, le second planche sur l’écriture d’une pièce depuis de longues années sans avancer vraiment… Mais l’argent commence à manquer et surtout ils doivent être expulsés de leur appartement (qui d’ailleurs n’est pas à eux, mais juste généreusement prêté…)!
Les aventures rocambolesques de ces deux bras cassés, très attachants mais cumulant à peu près toutes les emmerdes, ont été imaginés et mises en images par Pierre Salvadori, dont c’est là le second film, après l’original Cible Emouvante. Les Apprentis fonctionne pourtant encore bien mieux par l’entremise d’un script enlevé, drôle, inventif et de dialogues aux petits oignons. Le mode « je m’en foutiste » des deux anti héros, leur façon de traverser la vie avec une désinvolture effarante font tout le sel de situations franchement amusantes, même si dans la réalité des faits elle passeraient pour pitoyables! Salvadori évite l’écueil du film social misérabiliste chiant avec message de cohésion humaine sous jacent: non, il s’agit d’une vraie comédie, ne prenant rien au sérieux, alors qu’il évoque le chômage, les galères de thune, les échecs affectifs, la dépression! Des thèmes graves relatés sur le ton de la blague et du potache: une excellente raison pour se laisser séduire! L’addition de ses deux marginalités aboutit à une amitié certes bancale et ne résolvant rien, mais elle reste en filigrane pour montrer que les liens amicaux peuvent s’abimer au contact de passages à vide, ou bien se renforcer…
Très différents dans leur tempérament et leur jeu, les deux acteurs choisis se complètent en revanche adroitement: Guillaume Depardieu (rarement plus drôle qu’ici) compose un looser total, faisant de l’insouciance une seconde nature, tandis que François Cluzet, plus âgé, plus en apparence « sérieux » incarne un anxieux culpabilisant de ne pas mener une « vie dans les clous ». Hors des sentiers tracés par la société , les deux compères luttent bon an mal an pour parvenir à garder la tête à la surface et ne pas se noyer définitivement. Dans une seconde partie un tantinet moins « riante », Les Apprentis traite de mal de vivre et d’incapacité à rentrer dans des cases imposées (travail en CDI, mariage, enfants, etc…): deux grands enfants dans des corps d’adultes en somme! La petite participation amicale de quelques minutes dans le final de Marie Trintignant et son si doux visage ajoute une touche de beauté supplémentaire dans un ensemble déjà fort réussi.
ANNEE DE PRODUCTION 1995.