Deux couples, Carole et Jacques, la cinquantaine, et François et Edith, la trentaine, sont voisins. Jacques est médecin et François doit lui succéder et passent donc du temps ensemble. Les deux épouses se lient d’amitié. Mais un jour, une attirance nait entre Jacques et Edith et ils entament une liaison passionnée…
Actrice et réalisatrice, Noémie Lvovsky avait entamé son parcours par un premier film étonnant de justesse sur l’adolescence, La Vie ne me fait pas peur, largement autobiographique. Pour son second opus, elle ose le mélange des genres et met en scène une comédie dramatique sur un thème pourtant maintes fois traité: l’adultère. Elle lui donne un côté ludique, léger, sans conséquences dans une première partie résolument drôle, burlesque et enjouée où les deux couples de voisin s’amusent, se découvrent et deviennent très complices. Jusqu’à ce que le désir et l’amour s’en mêlent… Agrémentant ses séquences d’une chorale chantant à tue tête les sentiments des personnages, le film dérive lentement mais sûrement vers une quasi tragédie, où Noémie Lvovsky montre bien combien badiner avec l’amour peut entrainer des drames, des chagrins, des trahisons et bien sûr des souffrances. Restant coloré pendant assez longtemps (le rouge passion dominant les tons, de la couleur des volets aux robes des femmes, des papiers peints aux chemises des hommes), Les Sentiments semble coupé en deux, à l’instar de Jacques et Edith, happés par leur attirance mutuelle. Avec un fond issu de La Femme d’à côté de Truffaut, la noirceur en moins, Lvovsky agrémente son récit d’une folie douce et d’une tristesse tenace (le final sur le regard blessé de Bacri est très beau), rendant cette histoire tout, sauf banale.
Le petit bonheur ajouté à l’ensemble provient du casting réuni par la réalisatrice de Camille Redouble: son quatuor d’acteurs trouve une harmonie de jeu et une osmose évidente qui transparait d’emblée sur l’écran. Nathalie Baye campe l’épouse et amie de sa « rivale » jusqu’à la découverte de l’infidélité de son mari incarné par un Jean Pierre Bacri tellement touchant dans les affres de l’amour, Melvil Poupaud écope du rôle du jeune voisin sincèrement épris de sa femme. Isabelle Carré illumine complètement le film, par son sourire, sa grâce, décuplant la sensibilité du propos. Noémie Lvovsky décrit à merveille l’état amoureux, la naissance des émois, le fluide secret et souvent indicible entre deux êtres. Un beau film qui laisse des traces en nous, comme une histoire de coeur que l’on ne peut jamais tout à fait oublier.
ANNEE DE PRODUCTION 2003.