1924/2004
Bud Brando vit le jour dans le Nebraska en avril 1924, d’un père alcoolique, distant et même carrément violent avec Dorothy, la mère, vaguement actrice de théatre, mais plutôt du genre ratée. Alors que Bud est encore un jeune garçon de sept ans à peine, déja en carence affective notable, il va devoir affronter l’indifférence de son géniteur quant à son devenir. Le gamin est livré à lui même et son éducation n’est pas plus assurée par sa mère, qui s’est à son tour mise à boire, devenant rapidement l’ombre d’elle même! Bref racontée comme telle, l’enfance de Brando ressemble à du Zola et il cherchera toujours vainement l’admiration et l’amour de cette maman. Le divorce est prononcé pour ses parents, mais ça n’améliorera pas pour autant son adolescence. Il étudie dans un premier temps à l’Académie militaire de Shattuck, mais en fut très vite exclu, par manque de sérieux et d’engagement. Il se dirige vers le théatre, une passion dont lui parlait tant sa mère qu’il voulut y tenter sa chance, sans conviction profonde. Il a déjà un physique de Dieu grec, une machoîre carrée, un corps à tomber les minettes et une « gueule » comme on dit dans le métier.
A 19 ans à peine, le voici intégrant la troupe prestigieuse de l’Actor’s Studio de Strasberg et ses techniques de jeu puisant dans le vécu des comédiens. Le grand Elia Kazan le remarque immédiatement et lui offre un rôle en or massif: celui de Stanley Kowalsky dans l’adaptation du chef d oeuvre de Tennessee Willians Un tramway nommé Désir. Ce personnage de brute épaisse, incapable d’aligner trois mots et réagissant de façon primaire, voire animale va faire de lui une Star internationale! Un vrai phénomène jamais vu auparavant! D’abord sur scène, puis au cinéma, il fait preuve d’une présence incroyable, à la fois sauvage, d’une beauté étourdissante, et surtout d’un tempérament fougueux et quasi incontrôlable. Il se fait désormais appeler Marlon Brando et sa carrière débute dés 1950, avec son rôle de militaire paraplégique de C’étaient des hommes. A la suite de ce film, on lui demande même de s’engager à nouveau dans l’armée pour aller combattre en Corée, ce qu’il refuse tout net, préférant continuer à trouver de bons rôles sur grand écran. Il enchaîne avec L’équipée sauvage , où son look de motard tout de cuir vêtu va marquer à jamais sa légende. On est alors en 1952. Elia Kazan le retrouve pour deux films importants Viva Zapata! et surtout Sur les quais, il y est un docker qui affronte son syndicaliste marron de frère et se met à dos toute la compagnie. Il est fabuleux et remporte haut la main son premier Oscar en 1954. Pourtant, personne ne sait encore combien lui n’est pas dupe de cet honneur, convaincu au fond qu’il n’est pas si bon acteur que ça!
Il est vrai que certains critiques lui trouvent un défaut persistant: son insolence! C’est aussi ce qui fait son charme fou, il est libre de tourner avec qui il veut, son nom rameute les foules, les femmes se l’arrachent, les hommes aussi d’ailleurs (dont James Dean il parait!), et même quand il se met à marmonner son texte devant certaines caméras, tout le monde crie au génie quand même!! Il jouera dans trop d’oeuvres indignes de son talent, juste pour « faire du chiffre » et payer ses impôts, ce qui finira par le dégoûter d’une profession qu’il trouvait largement superficielle et trop éloignée de sa véritable nature. Le restant de la décennie 50 sera marquée par quelques films intéressants, mais le mettant moins bien en valeur comme Le bal des maudits ou La vengeance aux deux visages, qu »il met pourtant en scène lui même. Un coup d’essai qui restera sans suite. La quarantaine arrive et la première cassure a lieu pendant le tournage infernal et laborieux des Révoltés du Bounty. Sa nonchalance et son « je m’en foutisme » vont scandaliser les producteurs et lui forger une réputation d’acteur capricieux et ingérable. On peut dire sans exagérer que le sommet de sa carrière est derrière lui à ce moment là. Il ne fera que se saborder, rentrer dans une spirale d’autodestruction lente, que les sirènes d’Hollywood vont voir venir tout au long des années 60.
Cherchant à donner un sens à cette existence de paillettes et de faux semblants dont il ne veut plus, il achète l île de Teti Aroa en 1966, pour y trouver un hâvre de paix, loin de tout le cirque médiatique qui en avait fait sa proie idéale. Multipliant les conquêtes et ne se fixant jamais avec aucune, il sème des gosses à droite à gauche, sans états d’âmes, faisant preuve d’un ego surdimensionné et d’un caractère impossible. Seuls deux longs métrages tournés en 1967 demeurent ancrés dans les esprits: l’un La Comtesse de Hong Kong où il n’a sûrement jamais été aussi mauvais (volontairement et en rebellion contre son réalisateur un certain…Charlie Chaplin, qu’il haîra jusqu’au bout) et Reflets dans un oeil d’or de John Huston, il y campe un militaire homosexuel refoulé et battu par sa femme jouée par Liz Taylor!! Ce rôle est magnifique et on le retrouve à un niveau comparable à ses premiers succès. Puis, à nouveau, plus de son plus d’image pendant plus de 5 ans! Son retour va heureusement se révéler fracassant et il va s’illustrer dans deux purs chefs d’oeuvres. Francis Coppola le veut dans son grand film sur la Mafia italienne Le Parrain, et il va lui offrir cette partition inoubliable. Le revoila immense et imposant avec sa carrure qui s’est alourdie déja, et sa diction qu’il travaille avec du…coton dans la bouche (une technique sûrement apprise à l’Actors Studio!).
De là, il semble reprendre du poil de la bête et retrouver un certain plaisir à son métier, sa résurrection est saluée dans la presse mondiale et il frappe un nouveau coup en incarnant pour Bertolucci un quinquagénaire détruit par le suicide de sa femme et qui s’oublie dans une relation physique intense avec une gamine de 18 ans, dont il refuse de connaitre jusqu’à son nom! Ce film mythique est bien entendu Le dernier tango à Paris, sorti en 1973, et qui va connaitre un scandale du tonnerre. Mai 68 et la libération sexuelle sont passées par là. Après ce triomphe, il revient à ses vieux démons et refuse d’abord un second Oscar, se remet en marge du système, et s’engage en faveur des Noirs, de l’Unicef, et surtout du peuple indien d’Amérique du Nord, dont il mettra à jour les souffrances, bien vite mises sous le tapis, par les gouvernements successifs de ce beau pays, où seule la course aux dollars semble compter. Il traverse des périodes de longue dépressions, se disant incapable d’accéder au moindre bonheur conjugal, tombe dans l’alcoolisme, comme une mauvaise répétition des habitudes, dont il a pourtant souffert de par ses parents. En quelques années, sa beauté se fâne, ses traits sont marqués, et il prend des dizaines de kilos, n’essayant plus de séduire qui que ce soit. C’est le début de sa descente en enfer.
Dorénavant, il ne va plus quitter son Ile Thaitienne que pour jouer dans des grosses productions des petits rôles grassement payés, mais s’en se fouler au niveau de son implication désormais quasi nulle , hormis pour son pote Coppola où il se sort les tripes à nouveau et le suit jusqu’au Vietnam. Le résultat sera l’épique Apocalypse Now en 1979, auréolé d’une Palme d’Or méritée, pour ce voyage au bout de l’enfer, cette fois celui d’une guerre qui a massacré des milliers d’américains et a été gérée n’importe comment par Nixon. Doit on vraiment s’étendre sur la décennie 80 ? Brando s’est fait si rare, invisible dans la sphère cinéma, il a tenté de reprendre pied, mais son état général est allé de mal en pis. Quand il est contraint de se montrer, c’est pour l’arrestation de son fils accusé d’avoir tué le petit ami de sa soeur Cheyenne. Il n’est plus qu’un homme obèse, méconnaissable, abattu de tristesse, qui sort de sa retraite pour affronter la Justice et son aura n’est plus qu’un souvenir évaporé dans les méandres de ce fait divers sordide. Tout ce en quoi il croit s’effondre et le public ne voit plus le monstre sacré, mais juste un pauvre quidam gavé de hamburgers et de crèmes glacées. Dernier coup du sort: Cheyenne finit par se pendre, acculée par de graves troubles psychologiques. Marlon s’enferme alors dans sa résidence de Los Angeles, vivant reclus ou presque, ses quelques derniers films furent tous calamiteux et à oublier, mais il n’en a cure! Le cinéma est bien le cadet de ses soucis, c’est la vie qui s’en va lentement et à laquelle il ne tient plus, alors il se laisse glisser…
Il fut certainement le meilleur acteur américain de tous les temps, connut dix ans de régne et presque trente de déchéance, sa beauté nous saute encore en plein visage dans des films restés célèbres et s’il fut dépassé par sa légende, Marlon Brando ne parvint pas à atteindre l’inaccessible étoile: celle d’un bonheur simple et sans artifices. Il meurt en 2004, loin de l’Ile chère à son coeur. Nul doute pourtant que c’est là bas que son âme est demeurée pour toujours présente. Là bas, il n’était pas une Star. Il était un homme. Tout simplement.
Un exemple de déchéance. Dom Juan de marco ave j Depp. Quel film atroce !