Serveuse dans un petit restaurant d’un bled paumé du Texas profond, Betty Sizemore vit par procuration devant Amour et Passion, son feuilleton favori, dont elle adore le beau héros David Carvell. Sa vie bascule brusquement, un soir, lorsque son mari, Del, est abattu par deux tueurs à gages dans leur cuisine. Le choc est tellement grand qu’elle subit un état de dissociation et se réfugie dans l’univers imaginaire de sa série préférée. Persuadée que Carvell l’attend à Los Angeles, elle quitte tout sur le champ pour le retrouver et poursuivre son rêve… tandis que les tueurs la poursuivent, elle!
Auteur du remarqué En Compagnie des Hommes, le cinéaste indépendant américain Neil LaBute a imaginé un conte de fée caustique sur la dépendance aux séries à l’eau de rose d’une petite serveuse à qui il va advenir des événements incroyables. Nurse Betty mélange joyeusement les genres, faisant de la « folie » douce de son héroïne une matière comique plutôt irrésistible, tout en y accolant une intrigue policière et le scénario, sorte de puzzle réjouissant, s’impose comme un récit aussi original qu’astucieusement troussé. A priori, la romance et le polar ne se marient pas idéalement, mais ici ça fonctionne par la magie d’une histoire certes tirée par les cheveux, diablement divertissante. La marque des intrigues réussies veut que d’une séquence à l’autre, on ne sache jamais ce qui va arriver, et cet état d’étonnement nous saisit quasiment tout du long. Au niveau de la réalisation aussi, LaBute n’est pas manchot, ne perdant pas le rythme trépidant voulu et le road trip de sa demoiselle délicieusement délirante vaut vraiment le détour.
Nurse Betty est jouée par Renée Zellweger, juste avant sa consécration dans la série des Bridget Jones: sa coquette attitude, son visage naïf (mais pas idiot), son jeu décalé emporte largement la partie. Morgan Freeman et Chris Rock en tueurs à gages pas trop inquiétants et plutôt rigolos ajoutent aussi de vrais moments de légèreté à l’ensemble. Enfin, dans le rôle du bel acteur lisse de série TV cible de l’amour aveugle de Betty, on retrouve Greg Kinnear, parfaitement employé et que l’on avait découvert dans l’excellent Pour le pire et pour le meilleur. Cette comédie surprenante n’a pas laissé de marbre le jury du festival de Cannes qui lui a décerné un prix du scénario largement mérité.
ANNEE DE PRODUCTION 2000.