Dans Rome, déclarée « ville ouverte », les Allemands perquisitionnent l’immeuble où vit Giorgio Manfredi, une des figures du Comité de Libération Nationale. Ce dernier parvient à s’enfuir par les toits et se réfugie chez son ami Francesco, un typographe qui travaille notamment pour la presse clandestine et en passe de se marier avec sa compagne, Pina…
Dans le cinéma italien, il y a un avant et un après Rome Ville Ouverte. Tourné à peine un an après la fin du second conflit mondial, le film témoigne de la résistance du peuple romain face à l’occupant allemand, s’inspirant en partie de l’exécution du prêtre Morosini par la Gestapo survenue en 1944 et entend montrer le courage d’une nation opprimée, à travers le portrait de plusieurs personnages luttant pour leur liberté. Roberto Rossellini invente tout simplement le néoréalisme avec son souci constant d’authenticité, donnant à ses images un aspect quasi reportage pris sur le vif, avec des prises de vues en extérieur pour se débarrasser des oripeaux du cinéma traditionnel et insuffler de la vérité à son propos. Les protagonistes (une veuve enceinte de son nouveau compagnon, ce dernier entré en Résistance, un prêtre) sont des figures sacrificielles que le cinéaste filme avec compassion et même amour dans un élan patriotique évident et décrits comme des citoyens « ordinaires » face à l’horreur nazie. Les conditions spartiates du tournage, le manque de pellicule, le budget réduit à peau de chagrin ont obligé Rossellini à se « surpasser » et livrer une oeuvre dans l’urgence, comme un cri de révolte en faveur de la dignité humaine. Rome Ville Ouverte ne fait pas l’impasse sur les tortures infligées pendant les interrogatoires et crée une onde de choc à sa sortie pour la crudité de son traitement et son absence de concessions « commerciales ».
Actrice au tempérament volcanique, Anna Magnani avait débuté sa carrière au début des années 30, mais c’est son rôle de Pina qui la rend mondialement célèbre. Entêtée, entière, battante, elle bouleverse avec son personnage de femme amoureuse jusqu’au boutiste. Les autres interprètes, Aldo Fabrizi et Marcello Pagliero en particulier, traduisent admirablement le dévouement de ces hommes prêts à mourir pour leur patrie et leurs convictions. Par son nouveau mode narratif et son modèle esthétique inédit, le film enchanta les réalisateurs du monde entier (en tout cas ceux qui ambitionnait de faire du cinéma le plus « réel » possible) et trouva des fervents admirateurs parmi la Nouvelle Vague. Rome Ville Ouverte fait bel et bien partie de ces oeuvres immanquables qui rendent le 7e Art plus beau encore.
ANNEE DE PRODUCTION 1945.
