Pour faire d’elle la « petite chérie de l’Amérique », on a changé la toute jeune Daisy Clover. On l’a éduquée, habillée, récupérée et façonnée. Pour lui tracer un avenir, on lui a inventé un passé, loin de sa réalité. Sa mère, enfermée dans un asile, est déclarée « morte » pour le public. Sous la houlette du producteur Raymond Swan, elle commence à tourner dans des comédies musicales qui la propulsent star. Daisy la sauvageonne va pourtant bientôt ne plus vouloir correspondre à ce moule d’artifices que l’on a construit pour elle…
Le cinéaste Robert Mulligan, futur auteur du hit mondial Un Eté 42, s’inspire du chef d’oeuvre de George Cukor Une étoile est née, afin de dénoncer les dangers d’une célébrité trop tôt acquise et surtout pour apporter un contrepoint à l’envers du décor. Hollywood faisant rêver s’autocritique parfois avec brio, on se souvient de Sunset Boulevard ou des Ensorcelés, démontant son propre mythe, et Daisy Clover est clairement dans cette veine là. A travers le portrait touchant d’une toute jeune fille d’à peine 17 ans, issu d’un milieu pauvre et propulsée star presque sans prévenir, le film pointe du doigt avec cruauté le fossé séparant la réalité et le milieu superficiel et artificiel du monde du spectacle. Mulligan accorde moins d’importance aux séquences consacrées aux « coulisses » du cinéma et à la fabrication des films pour se pencher plus intelligemment sur les fêlures d’un être inadapté et refusant d’être fabriqué sur un mode à l’opposé d’elle même. Ainsi, le drame se noue au fil d’une intrigue décochant peu à peu des flèches pour dévoiler les conséquences psychiques du vedettariat. Bien sûr, la réalisation de Mulligan n’a pas la grandeur de celle de Cukor et par moments, elle parait même assez détachée de son sujet, néanmoins le scénario tient la barre jusqu’à son terme et ne faillit pas.
Dans un rôle secondaire de jeune acteur play boy bisexuel, les débuts de Robert Redford étonnent et sa beauté plastique hante la pellicule. Christopher Plummer incarne le producteur cynique et soucieux de tirer le plus d’argent possible de sa « découverte » avec un jeu très étudié. Mais la véritable bombe du film est évidemment son actrice principale, Natalie Wood, idéale dans le désenchantement juvénile et campant là un de ses rôles les plus douloureux, quelques années après sa révélation dans La Fièvre dans le sang. Dans une scène terrible, elle est prise d’une crise d’hystérie impressionnante alors qu’elle est confinée dans une cabine d’enregistrement pour doubler sa propre voix. Ce très beau film sur Hollywood et ses méfaits mérite d’être jugé autrement que pour sa ressemblance avec Une étoile est née, mais bien pour ses qualités originales.
ANNEE DE PRODUCTION 1965.