A Biarritz, au détour d’une rue, en pleine nuit, Hélène, anesthésiste et veuve, rencontre Gilles, un demi marginal. Le destin les réunit et leur idylle démarre d’abord sous les meilleurs auspices. Gilles tombe très amoureux d’Hélène qui ne tarde pas à lui avouer que son mari s’est noyé l’année précédente et qu’elle ne s’est pas encore remise de ce deuil impossible…
Pour André Téchiné, l’expérience d’Hôtel des Amériques marque indéniablement un tournant dans son parcours de cinéaste. Jusque là auteur de films baroques à la froideur prononcée (Barocco, Les Soeurs Bronté), il s’éloigne de ce style distancié pour amorcer l’étape dans laquelle il placera la grande majorité de son oeuvre future: celle de la passion, des déchirements sentimentaux et des coeurs qui battent. Un cinéma de l’humain au sens le plus noble du terme. Sur un scénario de Gilles Taurand, Téchiné raconte une histoire d’amour contrariée entre deux êtres écorchés vifs chacun à leur manière (la femme hantée par le souvenir d’un amour à l’issue tragique, l’homme par des démons et un mal être apparaissant de plus en plus nettement au fil du récit). Avec le romanesque comme étendard, le réalisateur de J’embrasse pas ajoute de la compassion envers ses personnages et leurs failles, n’a plus peur de montrer la fusion des corps, la fragilité des sentiments, la brièveté du bonheur fuyant trop vite trop tôt, et dans ce film ci, il manie sa caméra avec beaucoup de finesse, accompagnant dans leurs égarements ce couple à priori improbable, capable un temps de s’aimer avant de réaliser qu’ils ne se sauveront pas réciproquement de leurs blessures. Hôtel des Amériques se déroule dans les décors naturels de Biarritz, tantôt nocturnes, ensoleillés ou nuageux, en tout cas presque tout le temps morose. Comme pour signifier la tristesse de cette liaison passagère.
Toute première collaboration entre Téchiné et sa muse Catherine Deneuve, dont il parvient à retirer les artifices de star, le maquillage trop épais, les belles toilettes, pour faire ressortir la femme la plus « nue » possible. L’actrice se laisse aller avec une émotion non feinte dans ce rôle de veuve inconsolable, handicapée pour vivre sa romance à fond, et dans ses regards une douleur permanente se lit très distinctement. Son partenaire, Patrick Dewaere, à peine un an avant sa mort prématurée, livre une composition bouleversante d’homme blessé, la démarche fatiguée, déjà dans un ailleurs indéfinissable. La scène finale où il exprime face caméra son désarroi fait partie des plus belles que Téchiné ait jamais tourné. Un très beau film, lucide ou pessimiste, cela restant à l’appréciation de chacun!
ANNEE DE PRODUCTION 1981.