La jeune Charlie vit avec sa famille dans la bourgade tranquille de Santa Rosa. Ils reçoivent le télégramme de l’Oncle Charlie, leur annonçant sa venue prochaine. Mais ne serait il pas le terrible assassin de veuves qui sévit depuis plusieurs mois et que la police ne parvient pas à inculper?
Alfred Hitchcock avait confié lors de ses entretiens à François Truffaut combien L’Ombre d’un doute était définitivement son film préféré, entre toutes ses œuvres incroyables qu’il signa en cinquante années de cinéma. En situant l’action de cette intrigue policière dans une petite ville sans histoires où vit une famille d’Américains moyens et en grattant le vernis de la fausse sérénité qui y règne, Hitch élabore un récit où l’ambiguïté prend une place prépondérante, où la dualité entre le Bien et le Mal est omniprésente. Les liens entre cet oncle mystérieux arrivé de nulle part et de sa jeune nièce sont très forts, ils partagent une complicité de « jumeaux » et pourtant le doute, les soupçons sur la moralité de l’homme vont gangréner cette relation trop « idéale ». Avec son remarquable noir et blanc, des plans très travaillés, et aidé par la partition de Dimitri Tiomkin, Hitch installe un climat d’insécurité latente, filme un quotidien menacé par la possible culpabilité de cet être taciturne, décrivant le monde « comme une vaste porcherie ». Mise en scène au cordeau de Sir Alfred, suspense habile, personnages troubles: tout concourt à faire de L’Ombre d’un doute une réussite incontestable.
Dans le rôle de la nièce adorable et en apparence trop innocente, on retrouve Teresa Wright, une brunette déjà vue en fille de Bette Davis dans La Vipère, face au comédien fétiche d’Orson Welles, Joseph Cotten. Son allure distinguée de dandy sert ici magnifiquement pour brouiller les pistes, même si peu a peu se dessinent son caractère misanthrope et sa dangerosité. Ce personnage aussi méticuleux que maniaque fait partie des plus inquiétants et des mieux écrits de toute la filmographie du maître du suspense. La propension au Mal semble inévitable, enracinée dans la nature humaine, et Hitch montre mieux que personne que l’homme n’est jamais tout blanc ou tout noir. Ce cynisme lucide constitue une des nombreuses grandes qualités de cet immanquable classique.
ANNEE DE PRODUCTION 1943.
