Haby, jeune femme très impliquée dans la vie de sa commune Montvilliers, découvre le nouveau plan de réaménagement du quartier dans lequel elle a grandi. Mené en catimini par Pierre Forges, un jeune pédiatre propulsé maire, il prévoit la démolition de l’immeuble où Haby vit depuis son enfance. Avec les siens, elle se lance dans un bras de fer contre la municipalité et ses grandes ambitions pour empêcher la destruction du bâtiment 5…
En 2019, le réalisateur Ladj Ly avait bousculé les consciences et bouleversé la France entière avec sa radiographie puissante de la banlieue avec son premier long métrage Les Misérables. Obtenant le Prix du Jury Cannois et le César du meilleur film, il avait toute la liberté ensuite de proposer une seconde oeuvre dans la même lignée. Quatre ans après donc, le voila de retour avec Bâtiment 5, toujours nourri d’une colère froide, continuant à explorer les conditions de vie dans les quartiers difficiles et dénonçant à la fois le mal logement et plus précisément l’incapacité des politiques locales à respecter la dignité des habitants. Ce nouveau cri de révolte s’étend et s’entend dans son récit, pointant du doigt les crispations exacerbées entre populations peu considérées et institutions: Ladj Ly joue sur le terrain électoral pour poser son propos et donner comme une « suite » assumée à son précédent opus. Sauf que cette fois, le trait se fait plus binaire, le manichéisme s’invite de manière plus forte, rendant l’émotion moins « brute » que celle des Misérables. En démarrant son film par une séquence de mort, Ladj Ly semble nous convier à un constat sûrement plus sinistre encore qu’il surligne avec moins de subtilité. Pour contrecarrer les critiques lui ayant reproché de ne pas donner assez de place aux personnages féminins, le cinéaste a écrit un beau rôle de jeune fille concernée par la situation de sa commune et qui se bat pour un peu de justice sociale.
Un coup de chapeau peut être tiré pour les interprètes: en premier lieu, Anta Diaw incarnant cette passionaria de la cité avec beaucoup d’aplomb, accompagné d’Alexis Manenti jouant le maire dépassé par l’ampleur de sa tâche et enfin Steve Tientcheu, un acteur souvent cantonné à des comédies peu drôles et qui révèle là un registre dramatique plus intéressant. Bâtiment 5 n’est certes pas le coup de poing magistral causé par Les Misérables, pourtant sa sincérité profonde et sa façon de décrire la colère de ceux que l’on écoute pas touche tout de même au coeur et reste un cinéma nécessaire.
ANNEE DE PRODUCTION 2023.
