Amélie, jeune serveuse dans un café de Montmartre, passe son temps à observer les gens et à laisser son imagination divaguer. Elle se fixe un but: faire le bien de ceux qui l’entourent. Elle invente alors des stratagèmes pour intervenir incognito dans leurs existences. Le chemin est jalonné de rencontres: Georgette, buraliste hypocondriaque, Lucien, commis d’épicerie, Madeleine sa concierge portée sur le porto, Raphaël son père… Jusqu’au jour où elle croise la route de Nino Quincampoix, un jeune homme pour qui son coeur se met à battre…
Jean Pierre Jeunet avait débuté auprès de son acolyte Marc Caro pour signer Delicatessen et La Cité des Enfants Perdus, deux oeuvres inclassables, avant de céder aux sirènes d’Hollywood pour un 4e épisode de la saga Alien plus ou moins réussi. De retour en France, il ambitionnait de revenir à un cinéma plus modeste et ne se doutait pas que son nouveau projet deviendrait un immense succès populaire et même un phénomène de société. Avec Amélie Poulain, Jeunet émerveille avec son style inimitable, sa malice constante, sa fantaisie visuelle et narrative, où il place 1001 idées, toutes plus originales les unes que les autres. Inventant un Paris fantasmé (que l’on a dit de « carte postale »), il fait revivre la poésie de Carné et Prévert, sans pour autant tomber dans le réalisme: au contraire, l’histoire de cette jeune fille solitaire obsédée par le fait de faire le bien autour d’elle fait plutôt figure de fable. Une fable mêlant l’humour, l’émotion, réveillant la nostalgie de notre enfance (ah!! la séquence de la petite boite métallique déposée dans la cabine téléphonique!). Les personnages pittoresques enchantent chacun par leur particularité (la buraliste hypocondriaque, la concierge vivant dans le souvenir de son mari, le jeune commis épicier harcelé par son patron cruel, l’écrivain raté, etc…) Jeunet joue avec les références à Doisneau, les couleurs chaudes rehaussées en post production, pointe les détails de l’existence faisant jaillir une mélancolie, un sourire, ou même quelques larmes. Le cinéaste assume le côté « eau de rose » de la romance amoureuse joliment platonique entre Amélie et Nino sur les airs furieusement entêtants de Yann Tiersen pour une BO inoubliable.
Encore assez peu connue avant d’obtenir ce rôle, Audrey Tautou impose sa délicieuse présence, sa coupe de cheveux bruns carrés, son regard tendre et sa bouille enfantine et devient une héroïne légendaire. Mais Jeunet n’a pas lésiné non plus sur les rôles secondaires avec une kyrielle de comédiens excellement dirigés (Isabelle Nanty, Claire Maurier, Jamel Debbouze, Rufus, Yolande Moreau, Claude Perron, Dominique Pinon, Urbain Cancelier, Serge Merlin, etc…), utilisant la voix off si reconnaissable d’André Dussollier comme narrateur et offrant un beau rôle de jeune homme séduisant à Mathieu Kassovitz, jamais vu dans ce registre jusque là. Amélie aurait pu sombrer dans le factice, le renfermé, le trop plein de bons sentiments, au lieu de ça c’est un miracle de chaque instant. Juste un profond plaisir de cinéma en deux heures de pur bonheur.
ANNEE DE PRODUCTION 2001.
L’un des meilleurs films français.