Dans une atmosphère chargée de sensualité, le jeune et séduisant marin Querelle débarque à Brest. Le port devient le théâtre d’un jeu morbide et fascinant, où se tissent des rapports d’amour et de haine dont Querelle est à la fois l’instigateur et le jouet…
Cet ultime film de Rainer Werner Fassbinder est l’adaptation d’un roman de Jean Genet, publié en 1947 et véhicule tous les fantasmes de l’univers homosexuel tel qu’on se les imagine: la drague, les bars enfumés, les endroit déserts, la promiscuité entre matelots, l’échangisme. Fassbinder signe là une oeuvre désespérée, noire, voire désabusée et charnelle aussi, dans laquelle la mort rôde de façon quasi métaphysique. Il a su créer un univers visuellement artificiel, sacrifiant toute possibilité de réalisme, stylisant à l’extrême son port de Brest (recrée en studio) dans des couleurs chaudes, à l’aide de plans criards, et enfermant autant ses protagonistes dans le tourbillon de leurs passions que le spectateur dans une bulle étouffante. Dans ce récit sulfureux, Fassbinder retrouve tous ses thèmes favoris (le vol, la domination, la cupidité, les rapports de force, le meurtre) et bien entendu, explore l’homosexualité sur différents angles de vues: sexuelle, amoureuse, secrète, assumée. La violence verbale et les accouplements entre hommes causèrent d’ailleurs un scandale certain à la sortie du film, quasiment aussi radical que le livre de Genet. Avec Querelle, le réalisateur du Mariage de Maria Braun filme un personnage en quête d’identité, un marin à la beauté fatale qui trouve son salut dans la perdition, la déchéance et la trahison, comme du reste la majorité des « héros » de son cinéma passé.
Les acteurs semblent tous en état de transe, ou pris dans une spirale d’autodestruction dans laquelle ils se complaisent, tel Franco Nero en lieutenant de marine amoureux fou de Querelle, ou Laurent Malet et son physique très androgyne. Fassbinder a confié le rôle titre à Brad Davis, cet acteur américain repéré dans Midnight Express, au physique musclé, ultra érotisé avec son marcel blanc et son bêret de matelot. Il hante le film de sa présence charismatique, objet des désirs masculins et féminins. La seule femme est incarnée par Jeanne Moreau, en tenancière de bordel d’âge mûr, elle impose son jeu assuré dans un second rôle de choix, interprétant la chanson « Each man kills the thing he loves » (paroles d’Oscar Wilde et musique de Peer Raben). Film testament ou pas, Querelle fut en tout cas le chant du cygne de Fassbinder, il mourut quelques semaines seulement avant la sortie officielle de ce poème d’amour vénéneux entre hommes blessés.
ANNEE DE PRODUCTION 1982.
