Sibyl est une romancière reconvertie en psychanalyste. Rattrapée par le désir d’écrire, elle décide de quitter la plupart de ses patients. Alors qu’elle cherche l’inspiration, Margot Vasilis, une jeune actrice en détresse, la supplie de la recevoir. En plein tournage, elle est enceinte de l’acteur principal, Igor… qui est en couple avec la réalisatrice du film…
Avant de rencontrer la consécration avec Anatomie d’une chute l’an passé, Justine Triet avait déjà exploré la complexité psychologique féminine, tout d’abord dans sa comédie originale Victoria, puis dans ce drame autour d’une psychanalyste en progressive perte de ses moyens. Admirablement scénarisé, Sibyl aborde beaucoup de thèmes, jongle avec plusieurs personnages (tous cruciaux à l’intrigue) et ne se perd jamais dans son écriture dense et intelligente. Même si l’héroïne du titre fait tout graviter autour d’elle avec à la fois de la machination, du déni, de l’inconscience, elle n’empêche jamais aux autres d’exister (ainsi l’actrice qui vient la consulter a tout autant d’importance que l’homme avec qui elle noue une liaison, ou bien la réalisatrice en train de tourner son film et gérant ses émotions face à la trahison de ses comédiens). En côtoyant les névroses des autres, Sibyl s’embrouille de plus en plus dans sa psyché ou bien paradoxalement va finir par trouver sa véritable nature. Justine Triet filme net et bien, influencée dans son style par le cinéma de Cassavetes, et met ses mots brillants sur images, tout en réussissant à captiver son auditoire. Pourtant, le récit est sinueux et demande de l’attention, pour suivre et comprendre chaque enjeu, et parvenir à l’appréhender dans toute sa complexité. Un peu comme elle le fera (avec encore plus de brio avec Anatomie d’une chute).
Et Sibyl, c’est surtout une éclatante démonstration du talent de plus en plus évident de Virginie Efira (déjà grande dans Victoria) et qui accomplit là un vrai travail d’actrice, généreux, nuancé, profond. Elle nous entraine dans les abimes mentales de son personnage avec une acuité exceptionnelle. Ses partenaires lui tiennent largement tête, surtout Adèle Exarchopoulos saisissante en actrice à la dérive, Gaspard Ulliel dont le charme fou explose à chaque plan, Sandra Huller parfaite en réalisatrice tiraillée entre son désir de mener son oeuvre à terme et sa jalousie furieuse. Justine Triet ne néglige pas ses petits rôles (Laure Calamy, Niels Schneider, Paul Hamy). Jamais binaire, sans cesse pertinent, Sibyl met à nu les douleurs d’une femme paumée et s’impose comme une très belle proposition de cinéma.
ANNEE DE PRODUCTION 2019.