François Grimbert, la petite quarantaine, se souvient de son enfance dans les années 50 à Paris. Solitaire et rêveur, plus intellectuel que sportif, il s’était inventé un frère, plus téméraire que lui, et surtout plus conforme aux aspirations de ses parents, en particulier de Maxime, son père…
D’après le beau roman autobiographique de l’auteur Philippe Grimbert, Claude Miller tire une adaptation sensible, douloureuse et romanesque, passant fort bien l’épreuve du grand écran. Un Secret regorge de thèmes d’une richesse infinie, allant de la montée du nazisme à ses conséquences tragiques sur le destin d’une famille, de la passion amoureuse contrariée entre deux êtres n’ayant pas le droit de s’aimer, du poids du secret porté par un enfant ignorant tout du passé de ses parents. François, enfant chétif et habité par un fantôme inconnu, traverse sa vie avec des non dits, jusqu’à ce qu’il démêle le noeud de ses tourments, revenant par un récit en flash backs jusque dans les années d’Occupation allemande. Lui, le petit juif, vivra par procuration et en décalage les brimades subies par ce demi frère sacrifié au nom d’un amour trahi et déçu. Miller a le sens du lyrisme et des histoires dramatiques, lui qui a gardé dans son ADN de cinéaste une filiation très forte avec François Truffaut, dont il fut l’assistant avant de passer à la mise en scène. Son cinéma se marie idéalement avec l’histoire de ce romancier à la recherche de ses origines juives, comprenant peu à peu d’où vient ce sentiment de vide qu’il a voulu combler durant toute son adolescence. Sur de belles images (noir et blanc pour signifier notre époque et en couleurs pour ressusciter les années de guerre), le film se déroule de manière fragmentaire sans perdre de vue l’émotion qu’il parvient à faire jaillir à coups de révélations bouleversantes.
Miller nous gâte également avec son casting cinq étoiles, en constituant le couple glamour Cécile de France (solaire et radieuse) et Patrick Bruel (supportable pour une rare fois), ajoutant des rôles complémentaires forts, excellement tenus par l’impeccable Ludivine Sagnier et surtout Julie Depardieu qu’il avait déjà dirigées dans La Petite Lili, quatre ans plus tôt. Malgré onze nominations aux Césars, seule Julie Depardieu décrocha le prix de la Meilleure actrice dans un second rôle. L’exploration de ce lourd secret familial ouvre la porte à la mémoire vive, relègue l’oubli au néant et offre à ses personnages incroyablement humains la possibilité du temps retrouvé. Un très beau film classique dans le meilleur sens du terme.
ANNEE DE PRODUCTION 2007.
