Silencieuse depuis 25 ans, Astrid, la femme d’un avocat réputé, voit son équilibre familial s’effondrer, lorsque ses enfants décident de se mettre en quête de justice.
Depuis le début de sa carrière, le réalisateur français Joachim Lafosse a bâti une oeuvre cohérente avec son cinéma d’angoisse diffuse et d’intranquillité ambiante, imaginant des drames humains toujours intenses (Nue Propriété, A perdre la raison, Les Intranquilles). Cette fois, avec son nouveau long métrage, 12ème du nom, il prend pour sujet fort la pédophilie dénoncée au sein d’une famille bourgeoise et évidemment provoque aussi bien le malaise qu’un inconfort profond. Un Silence, pourtant, ne convainc qu’à moitié à cause de deux défauts hélas handicapants: d’une part, le manque d’ambiguités des personnages ne permet pas d’être aussi « dérangé » qu’on aurait dû l’être, d’autre part la révélation de certains faits arrivent trop tôt dans le récit et éventent quelque peu le drame à venir. Bien sûr, Lafosse se penche surtout sur l’omerta terrible entourant les abus sexuels et ouvre une brèche intéressante sur les conséquences tragiques touchant directement les enfants de ce couple enfermé dans ses non dits. La construction narrative tente bien de ne pas être linéaire, cependant la mise en scène un peu trop démonstrative démonte ce procédé et occasionne du coup une certaine déception, sûrement dû à une carence de « coups de théâtres ».
Pour ce qui est du casting, il met en présence deux grands as de la comédie, déjà réunis dans L’Adversaire de Nicole Garcia: Daniel Auteuil joue sa partition sans démériter mais sans franchement éblouir non plus, par contre Emmanuelle Devos retient nettement plus l’attention avec ses nuances d’expression, sa présence fébrile et forte à la fois. Elle arrive à nous accrocher grâce à son jeu inspiré. Là où le film peut être salué, c’est dans sa capacité à ne pas être moralisateur ou « orienté », il se concentre surtout sur les dommages causés par le pesant secret gangrénant cette famille à priori sans histoires. Dommage que Lafosse ne parvienne pas à installer un trouble aussi perturbant que dans ses films précédents. On attend néanmoins son prochain opus avec impatience.
ANNEE DE PRODUCTION 2024.