Alice, la trentaine, se retrouve veuve du jour au lendemain d’un mari assez violent. Elle décide de changer de vie et de ville et part avec son petit garçon de 11 ans pour Monterey. Son premier rêve: devenir chanteuse! Cette fois, elle veut tout tenter pour y arriver. En cours de route, elle est obligée d’accepter un job de serveuse et fait différentes rencontres qui l’amèneront à reconsidérer ses projets.
Entre Mean Streets et Taxi Driver, Martin Scorsese fut l’auteur de cette chronique douce amère doublée d’un beau portrait féminin. Ecrit par le scénariste Robert Getchell, cette histoire de jeune veuve mère et solitaire ne semblait pourtant pas dans les cordes du cinéaste italo américain. C’est sur l’impulsion de l’actrice vedette de L’Exorciste, Ellen Burstyn, que se monta le projet pour le compte du studio Warner. Bien ancré dans les années 70, à cette époque où le machisme se confrontait à un féminisme encore balbutiant, que le film décrit le parcours de vie d’une femme volontaire, allant de désillusions en déceptions et ne cédant jamais au désespoir. Elle aurait cependant de quoi flancher: son mari meurt subitement, son désir de devenir chanteuse se heurte à la dure réalité et elle doit bosser comme serveuse pour subvenir à ses besoins et à ceux de son jeune fils. En prime, elle ne tombe que sur des types violents ou décidés à la dominer. Cette histoire de quête de soi, d’indépendance chèrement acquise, est une exploration tendre et jamais misérabiliste du fameux Rêve Américain. Alice se bat pour garder sa dignité et se faire une place au soleil à travers ce « road movie » tourbillonnant: la caméra la suit au plus près tout au long de ses divers déplacements. Constamment en mouvement, cette héroïne « ordinaire » mène sa vie avec une obstination de guerrière.
Avec à la fois du drame, de la comédie et du burlesque, Scorsese réussit à s’éloigner de son penchant pour les gangsters et les mafias et se penche sur l’existence de cette femme simplement vivante et qui tient à rester la tête haute, malgré les embûches. Porté donc par Ellen Burstyn, formidable dans chaque émotion qu’elle délivre généreusement, cette oeuvre ne serait certainement pas aussi finement conduite sans elle. Elle y gagna l’Oscar de la meilleure Actrice. Parmi ses partenaires, Harvey Keitel en amant de passage plutôt brutal se démarque, ainsi que Kris Kristofferson, également chanteur, jouant ici un fermier au charme tranquille. A noter également la présence de Jodie Foster, un an avant Taxi Driver, dans un petit rôle. Un beau film qui détonne dans la carrière de l’auteur des Affranchis et qu’il faut prendre la peine de découvrir.
ANNEE DE PRODUCTION 1975.