Christabel Cane dissimule sous une trompeuse apparence sa soif d’argent et de réussite sociale. Jeune provinciale, elle s’introduit chez un couple de bourgeois en passe de se marier, sème la zizanie, se voit courtisée par plusieurs hommes, dont un romancier vite amoureux d’elle et un peintre qui voit clair dans son jeu. Mais Christabel veut surtout se faire épouser par Curtis, un milliardaire dont elle sait qu’elle pourra tirer beaucoup…
Le titre original est aussi éloquent que possible: Born to be bad! (Née pour être mauvaise!) et annonce clairement la couleur. Commandé par le producteur Howard Hugues pour le compte de son studio RKO, ce drame est confié pour sa réalisation à Nicholas Ray, dont c’est seulement le troisième long métrage. Il tisse le récit d’une ascension sociale fulgurante et dresse le portrait au vitriol d’une femme sans scrupules, prête à toutes les manigances pour imposer son bon vouloir, quitte à trahir ceux et celles qui lui auront pourtant ouvert leurs bras. On retrouve dans cette peinture acerbe le pessimisme que Ray n’aura de cesse d’intégrer dans ses oeuvres suivantes (Le Violent, La Fureur de Vivre, Derrière le miroir), à travers des dialogues caustiques et d’un cynisme rare pour cette époque dans le cinéma américain. Lointaine petite cousine de Eve de Mankiewicz (sorti la même année), Christabel se montre aussi hypocrite que manipulatrice, aussi vénale que dépourvue de moralité et ce personnage antipathique trompe son monde par son charme extérieur dévastateur. Si le film semble accuser quelques baisses de régime en milieu de parcours, Ray ne dévie pas de son but: se concentrer sur son héroïne malfaisante et ses actions purement calculées auprès des hommes qui la courtisent.
La fausse douceur du visage de Joan Fontaine, lancée par Alfred Hitchcock dans Rebecca, sied à merveille pour incarner cette « bad girl » diabolique, utilisant son sourire comme arme redoutable et ses mensonges comme paroles d’évangiles. Certainement un des rôles les plus noirs qu’elle endossa. A ses côtés, Robert Ryan campe l’écrivain sincèrement épris d’elle et victime de sa duperie, Zachary Scott (au jeu plus faiblard) incarne le mari richissime pris dans les filets de la vipère et enfin Mel Ferrer joue le peintre devinant assez vite le petit numéro de la Dame. Sans acquérir le titre de film majeur, La Femme aux maléfices comporte cependant le potentiel pour en faire une oeuvre délicieusement amorale.
ANNEE DE PRODUCTION 1950.