Frédérique, jeune Jurassienne, insaisissable, froide, provoque les hommes puis se refuse à eux. Un soir, elle sort avec son mari Galusha, qui est homosexuel, dans un bowling où ils rencontrent deux hommes d’affaires. L’un d’entre eux invite Frédérique à l’accompagner au Japon pour un voyage d’affaires. Elle ambitionne de tenir un élevage de truites…
Tout dernier long métrage tourné en France pour Joseph Losey, bien connu pour The Servant ou Mr Klein, La Truite est l’adaptation d’un roman de Roger Vailland. Losey y dépeint le portrait d’une jeune femme refusant obstinément de coucher avec les hommes qu’elle prend pourtant plaisir à séduire, comme une forme de jeu pervers dont elle est la seule à édicter les règles. Un personnage féminin rappelant fortement celui d’Eva qu’il avait réalisé en 1962. On y retrouve des thèmes identiques : l’avilissement, la duplicité, les rapports sournois. Sauf qu’ici Losey ne paraît pas aussi à l’aise dans sa mise en scène oscillant entre comédie et drame, ne se positionnant jamais et son récit semble sans cesse lui échapper, à l’image de la truite fuyant ses congénères, impossible à capturer pour les pêcheurs. Les rapports de pouvoir et d’argent viennent en prime compliquer les liens déjà retors entre Frédérique et les hommes qu’elle utilise pour nourrir son ambition. Losey donne très peu de pistes sur les raisons de ce comportement, rendant ainsi le film désincarné et assez vain. Les dialogues de Monique Lange frisent souvent le ridicule du genre « Homosexuel, hétérosexuel aujourd’hui ca ne veut rien dire! On est sexuel ou on ne l’est pas! », les situations (notamment dans la longue partie située au Japon) manquent totalement de crédibilité, au point que l’on a du mal à reconnaitre un cinéaste qui fut jadis si exigeant dans sa production.
Quant au casting, il a beau être de tout premier ordre, chacun rame comme il peut dans cette galère: Isabelle Huppert joue en minaudant beaucoup, tentant de rendre son personnage polisson et narquois, hélas elle est médiocrement servie par l’écriture et ne peut faire de miracles. Dans un registre presque similaire chez Deville avec Eaux Profondes, elle était magistrale. Ses partenaires ne sont guère mieux lotis: Jean Pierre Cassel ne croit pas une seconde à sa partition (et ça se sent!), Jeanne Moreau incarne l’épouse jalouse avec sa classe habituelle, mais elle n’a qu’un rôle secondaire. La Truite marque ainsi péniblement la fin de carrière de Losey. Clairement dispensable.
ANNEE DE PRODUCTION 1982.