En 1849, à Saint Pierre et Miquelon, Neel Auguste se voit condamné à mort pour un crime qu’il a commis, un soir de beuverie. Seulement, sur cette île perdue, il n’y a pas de guillotine! En attendant qu’une « veuve » arrive de France par bateau, Neel est placé sous la surveillance du Capitaine. Madame La, son épouse, sensible au destin de cet homme, le prend sous sa coupe. En exécutant des travaux pour la population, il devient vite apprécié et indispensable. Lorsque la guillotine arrive, les gens s’opposent fermement à son exécution…
Quelques mois seulement après La Fille sur le Pont, Patrice Leconte réalise ce drame en costumes, sous la houlette du scénariste Claude Faraldo. D’après un fait divers réel survenu sous le Second Empire, cette histoire judiciaire met en avant la destinée d’un homme condamné à l’échafaud, malgré la forte mobilisation et l’investissement d’une femme pour le réhabiliter. Cette fresque mise en scène de façon classique, mais avec une belle facture (dialogues très écrits, images soignées) se veut un plaidoyer contre la peine de mort, à une époque où la France la pratiquait régulièrement et de manière « naturelle ». L’intervention du Capitaine et de son épouse, deux humanistes farouchement opposés à cette pratique barbare, ajoute évidemment du romanesque à cette intrigue, où l’administration veut faire régner une loi stricte, sans chercher à comprendre ou mieux connaitre le condamné. Leconte s’est aussi pris de passion pour les sentiments amoureux très forts unissant ces deux êtres, épris de justice et d’humanité, et il en résulte un mélodrame lyrique qu’il n’avait pas, jusque là, eu l’occasion de réaliser.
Les très beaux plans des paysages enneigés, comme ceux de la marine à voile, apportent un souffle incontestable à cette oeuvre à laquelle on peut également reprocher d’être un peu lisse, souffrant d’un certain académisme. Leconte s’applique, mais peut être est il trop appliqué justement? En tout cas, il bénéficie d’un trio de comédiens épatant: d’abord le duo Daniel Auteuil/Juliette Binoche, fiévreux et romantique à souhait, et Emir Kusturica, troquant ici sa casquette de metteur en scène pour celle d’acteur, et se débrouillant plutôt très bien! Leur intensité participe beaucoup à rendre ce film tout à fait appréciable, mais paradoxalement, l’émotion qu’il suscite reste légèrement en deça des moyens mis en oeuvre.
ANNEE DE PRODUCTION 2000.