Alain Leroy, bourgeois trentenaire et alcoolique, est revenu à Paris afin de suivre une cure de désintoxication. Sa femme, Dorothy, est restée à New York. Autrefois mondain abonné aux soirées dé débauche, Alain est aujourd’hui las de cette vie qu’il juge futile…
Louis Malle s’empare du roman abyssal de Drieu La Rochelle pour porter à l’écran cette lente déambulation vers la mort d’un dandy velléitaire, blasé de ne pas être compris, fatigué de trop d’alcool, de trop de femmes, de trop d’amis tournés sur eux mêmes. Vu le sujet, le film promet assez vite d’être déprimant, mais Malle soigne son esthétique et offre une virée dans les rues de Paris baignées d’une lumière crépusculaire, habités par des demi fantômes, se poursuivant dans des soirées sinistres chez des bourgeois incapables de jouir pleinement de leurs privilèges. Alain Leroy, le protagoniste, nous fait part de ses états d’âmes (sombres et lucides) sur un monde cruel, égoïste, créant de toute pièces cette angoisse existentielle dont il souffre. L’alcoolisme pourrait être la conséquence de cette perte d’appétit pour la vie, pourtant ce sont bien les relations ratées avec autrui, les désillusions successives qui tuent Leroy à petit feu. Au fond, c’est l’histoire d’un être ne supportant plus le fossé entre le bonheur qu’il voudrait atteindre et le profond mal être qu’il ne parvient pas à éradiquer. Le Feu Follet , film intellectuel et austère, reste sans doute le moins commercial de toute l’oeuvre de Malle, ne cherchant ni à plaire, ni à rallier un large public.
Parsemé de participations furtives, notamment d’Alexandra Stewart (belle et mystérieuse) ou de Jeanne Moreau (l’actrice fétiche depuis Ascenseur pour l’échafaud), le coeur du Feu Follet (si l’on peut dire) bat par la présence hypnotique de Maurice Ronet, superbe incarnation du mal de vivre, les traits rudes et épuisés, le regard presque hagard: un comédien un peu trop oublié qui exprimait beaucoup avec des riens. Ce fut sûrement son meilleur rôle. Réflexion sur le suicide et sur la place que l’on laisse après l’acte irrémédiable commis, ce film douloureux n’use pas de musique sirupeuse pour signifier le drame à venir et se clôt sur un panneau glaçant: « Je me tue parce que vous ne m’avez pas aimé, parce que je ne vous ai pas aimés ». Les mots d’un homme mortellement blessé par la dureté du monde. D’hier et d’aujourd’hui.
ANNEE DE PRODUCTION 1963.