Tardivet, un homme médiocre et veule, passe une petite annonce pour trouver une femme à épouser. Il tombe sur Marie José, au visage un peu ingrat, qu’il finit par décider de se marier avec lui. Au bout de dix ans d’une vie résignée, un événement inattendu va mettre le hasard sur leur chemin: un certain Docteur Bosc propose à Marie José une opération de chirurgie esthétique qui lui promet un visage beaucoup plus beau. Tardivet ne veut pas en entendre parler…
Voici un sujet plutôt étonnant pour l’époque: en 1958, on parlait peu de chirurgie esthétique dans la vie courante et encore moins au cinéma! Le futur réalisateur des faits de société (Mourir d’aimer, A chacun son enfer), André Cayatte, traite ainsi ce thème pour en souligner les aspects « négatifs » et les problèmes qu’elle soulève au sein d’un couple. La vie d’un homme bascule lorsque sa femme change de visage, trouve une beauté jusqu’alors impensable à atteindre et devient pour lui comme une étrangère. Du point de vue de l’épouse, cette nouvelle apparence ne pose aucun souci, au contraire, elle se sent enfin mieux dans sa peau, plus épanouie, assumant pleinement sa décision. Le film trouve surtout son intérêt dans la réaction violente et radicalement opposée du mari, dévoilant un être veule, égocentrique et à la noirceur insoupçonnée. D’une presque comédie sur le mariage, Le Miroir a deux faces devient alors un drame sombre sur l’aliénation de la femme, la domination sourde d’un mari effrayé à l’idée que sa femme puisse plaire et surtout le tromper. Une crainte pathologique de voir ses « acquis » lui échapper. Réflexion sur la condition féminine de la fin des années 50, le scénario donne lieu à une sorte de conte cruel sur les ravages de la beauté et surtout comment chacun la perçoit.
Si Cayatte ne trouve pas toujours le bon axe de mise en scène, il s’en remet presque entièrement à ses interprètes pour faire « tourner la machine ». Enlaidir Michèle Morgan avec un faux nez, peu de maquillage et des lentilles de contact changeant ses yeux mythiques est une idée originale en soi. Lui rendre sa beauté naturelle en cours de route ne facilite pas forcément son jeu et l’actrice peine par moments à se positionner entre la gêne causée par son ingratitude et la trop grande confiance en elle qu’elle acquiert en un temps record ensuite. Par contre, la performance surprenante de Bourvil, pour une de ses rares fois dans le registre dramatique, mérite des éloges car il apporte à son personnage une froideur et une gravité remarquables. Un film pas complètement satisfaisant, mais loin d’être inintéressant.
ANNEE DE PRODUCTION 1958.