Dixon Steele est un scénariste sujet à de fréquentes crises de violence incontrôlées. Un soir, il ramène une serveuse qui veut lui faire adapter un roman qu’elle adore et compte travailler avec lui. Manque de bol, elle est retrouvée morte le lendemain matin. La police soupçonne Dixon, sans preuves. Il est blanchi par sa voisine, Laurel, qui lui apporte un alibi, avant de tomber follement amoureuse de lui. Mais peu de temps après, elle commence à perdre confiance en lui et à se demander si son caractère impulsif n’a pas pu le conduire jusqu’au meurtre…
Le Violent reste pour toujours une des oeuvres les plus fortes et les plus abouties de la carrière de Nicholas Ray, réalisateur anti système hollywoodien, qui s’ingénie là à créer un film à la tension émotionnelle inouïe, tout en délivrant en prime un témoignage autobiographique déchirant. Drame noir par la fatalité qui l’habite, le film présente un scénariste irascible, blacklisté, car emprisonné dans ses pulsions destructrices et capable d’une violence redoutable envers autrui et envers lui même. Ce personnage, anti héros en puissance, est un bel autoportrait sans concessions du cinéaste, explorant la noirceur de son sujet avec minutie et grandeur, dans un noir et blanc de toute beauté. Oeuvre claustrophobe et donc étouffante, Le Violent est d’une lucidité étonnante sur la nature humaine, faisant avancer ses protagonistes vers une ténébreuse destinée… sans oublier de parler d’amour avec cette romance débutant de manière idyllique, avant d’être détruite par les accès d’agressivité et puis par le manque de confiance de l’héroïne. Bien sûr, la violence demeure assez suggérée, du moins jamais complaisante, pourtant une atmosphère très lourde pèse sur ce récit, dont on pressent rapidement qu’il ne peut que mal finir.
Nicholas Ray fait d’Humphrey Bogart son double parfait et lui offre l’occasion d’explorer les profondeurs inquiétantes de ce personnage névrotique et imprévisible. Bogey n’a sûrement jamais été meilleur, d’autant que, dans la vie, il ressemblait parait il beaucoup à cet homme là. Et ce qui rend le film si troublant et poignant, c’est de souligner que sa partenaire Gloria Grahame (sublime actrice vue chez Minelli et Lang) incarne sa femme et qu’elle était également mariée à Nicholas Ray à la ville! Presque une mise en abyme de leur couple donc et une sorte d’analyse clinique de leur relation explosive nous saute aux yeux par sa véracité et son romantisme désespéré. Comme souvent chez Ray, on est frappé par ces êtres inadaptés, englués dans leurs névroses et se débattant pour ne pas sombrer. Oui, sans l’ombre d’un doute, Le Violent mérite le terme parfois galvaudé de chef d’oeuvre.
ANNEE DE PRODUCTION 1950.