Roubaix, une nuit de Noêl. Le commissaire Daoud sillonne la ville qui l’a vu grandir. Voitures incendiées, altercations… Au poste, vient d’arriver Louis Coterelle, fraîchement diplômé,. Daoud et Louis vont enquêter sur le meurtre d’une octogénaire, retrouvée étranglée. Deux jeunes femmes, Marie et Claude, en couple, sont interrogées et fortement suspectées. Démunies, alcooliques, elles nient d’abord les faits en bloc…
Après avoir longuement et profondément sondé les coeurs et les âmes humaines avec des oeuvres comme Rois et Reines, Un Conte de Noêl ou Les Fantômes d’Ismael , le cinéaste français Arnaud Desplechin change un peu d’orientation et vient toucher à un genre inédit pour lui: le thriller noir réaliste. Posant sa caméra dans les lieux mêmes de son enfance, il tourne à Roubaix, une des villes les plus pauvres de France avec son lot de gens déracinés aux vies brisées. Proche d’un documentaire, le film consacre presque toute sa première heure à décrire les petits délits, les caïds que la police connait déjà et interroge sur des faits de violence ordinaire, manière de nous mettre en situation et nous habituer au quotidien d’un commissariat central. Desplechin filme ses personnages au plus près, collant au réel au maximum, baignant ses images d’une lumière presque crépusculaire (celle du titre). Puis, le récit se concentre ensuite sur l’affaire de deux jeunes femmes accusées d’un crime, tiré d’un fait divers authentique, un sordide homicide crapuleux qu’elles ne veulent pas avouer. Desplechin ausculte le mécanisme de la garde à vue, les techniques pour débusquer la vérité, soulever les zones d’ombre. Et se penche sur la « monstruosité » ordinaire, celle qui ne se voit pas sur la tête des gens, celle qui surprend le plus et nous captive de bout en bout, des séances d’interrogatoire à la froide reconstitution d’un meurtre gratuit.
Roubaix Une Lumière, traversé par des fulgurances de mise en scène, éblouit également par une qualité d’interprétation top niveau! A commencer par le héros principal, le commissaire Daoud, humain, à l’écoute, précis dans son approche et incarné par un Roschdy Zem dans une de ses plus belles performances. Le César du meilleur Acteur lui est revenu en toute justice. Face à lui, un tandem d’actrices véritablement excellent et dirigé au cordeau: Léa Seydoux (d’ordinaire plus que moyenne) et Sara Forestier. Elles tiennent leurs personnages d’amantes paumées avec une fougue rare et dominent des séquences avec leurs tripes. Chapeau à elles! Ressemblant à une élégie douloureusement sombre, ce thriller social remarquable confirme Desplechin comme l’un de nos plus brillants réalisateurs. Ce dont on ne doutait pas d’ailleurs!
ANNEE DE PRODUCTION 2019