La vie de Franck Poupart est terriblement minable et ennuyeuse. Petit représentant de commerce sans envergure, englué dans une vie sentimentale sans relief, Franck Poupart a des envies d’ailleurs. Et d’argent. Un jour, il rencontre Mona, une très jeune fille, pour le meilleur et surtout pour le pire.
L’auteur de polar américain Jim Thompson a servi les scénarios de certains grands films français comme Coup de Torchon et cette Série Noire, issue de son ouvrage Hell of a woman. Dirigé par Alain Corneau, un des bons réalisateurs de policiers, l’ambiance poisseuse est restituée dans une banlieue sinistre où vit le personnage central, sorte d’anti héros paumé , à l’existence minable et tentant de cacher sa médiocrité comme il peut. Film noir et profondément nihiliste, Série Noire présente des êtres pitoyables, sans cesse au bord d’un précipice, agissant avec leurs instincts les plus primaires. Le script a été en partie écrit avec l’écrivain Georges Pérec qui lorgne ici avec un style proche de Céline, où le sordide côtoie la grisaille, la boue, le triste. D’emblée, on pressent que les aspirations tuées dans l’oeuf de Poupart, mêlées a un mal être tenace, ne peuvent aboutir qu’à la terrible dérive meurtrière pointant le bout de son nez. La fuite en avant de ce looser furieux et désaxé dessine lentement mais sûrement une issue catastrophique. La mise en scène de Corneau n’a peut être jamais été aussi pensée, toute au service du drame en gestation. A l’opposé de ce propos très sombre, la BO recèle les titres joyeux de Dalida, Sheila, Claude François et même ABBA: de la variété populaire incluse dans une atmosphère de chaos total.
L’édifice, déjà brillamment charpenté, tient aussi par l’extraordinaire composition de Patrick Dewaere, jamais aussi radical qu’ici, acculé, pathétique, tantôt frimeur tantôt violent. Un acteur dont on ne dira pas assez combien il « vivait » ses rôles avec douleur et acharnement. Pour l’accompagner, Myriam Boyer, Bernard Blier et une toute jeune Marie Trintignant (16 ans à peine) assurent des seconds rôles parfaitement incarnés, pantins victimes de cette odyssée tragique, jouets d’une fatalité annoncée. De loin, le meilleur film d’Alain Corneau.
ANNEE DE PRODUCTION 1979.