En plein conflit entre l’Iran et l’Irak, une mère s’occupant seule de sa fille, pendant que son mari est au front, commence à avoir d’étranges visions, dans son appartement du centre de Téhéran. Elle est convaincue que des esprits maléfiques hantent ses murs et lui veulent du mal…
Le premier film de l’iranien Babak Anvari est une oeuvre de fantastique psychologique originale et bien maitrisée. Il situe l’action dans le contexte inattendu de la guerre entre l’Iran et l’Irak, et s’attache à une femme et à sa fille, seules dans l’appartement qu’elles occupent à Téhéran. Le film prend son temps pour montrer leur situation, les problèmes avec le mari parti au front, leur quotidien dans cette ville soumise aux bombardements et à l’oppression permanente de la dictature en place. Ce fond politique, inhabituel dans un film de genre, est une des richesses de la narration, car elles ancrent l’intrigue dans une réalité et le spectateur s’attend d’autant moins à y voir surgir des événements supposés « surnaturels ». Anvari ménage ses effets, distille l’angoisse avec parcimonie et ne fait pas de surenchère inutile comme dans toutes les productions américaines, traitant d’un lieu hanté. La progression dramatique nous happe (tout en s’appuyant sur le parcours de cette femme, en manque de reconnaissance professionnelle et contrainte à rester au foyer), quelques séquences font aussi sursauter, mais toujours à bon escient et sans en rajouter, de cette façon le film se démarque dans son traitement de la peur.
Les fantômes surnommés les Djinns par la petite fille sont ils ceux d’un Iran traumatisé par ses morts, épuisé par huit années de guerre, et voué à un destin funeste? Il y a presque un style « japonais » dans la mise en scène d’Anvari, sa trame fait penser à Dark Water et un peu à Ring aussi (les menaces pesantes sont les pires avant qu’elles ne frappent!) et les fissures terrifiantes du plafond renvoient à Répulsion de Polanski. Toutes ces références ne sont pas invalidantes, car le film possède son propre cadre. L’interprétation de l’actrice principale Narges Rashidi mérite aussi toute notre admiration. Anvari n’a hélas pas confirmé son audace avec son second film Wounds. Un cinéaste à surveiller tout de même.
ANNEE DE PRODUCTION 2016.