Pierre, professeur suppléant, se voit la lourde tâche de remplacer un collègue qui s’est suicidé et prend la classe de 3e d’un collège. Les élèves y sont surdoués mais surtout d’entrée hostiles à son arrivée. Pierre, intrigué par leurs comportements, va les suivre après les cours pour tenter de comprendre leur mode de fonctionnement mental bien étrange…
Trois ans après l’excellent Irréprochable, thriller malaisant porté par une Marina Foïs inquiétante, le réalisateur français Sébastien Marnier réitère avec ce film de genre tout à fait particulier, à l’écriture précise, baignant dans une étrangeté permanente et oscillant entre du fantastique et du drame psychologique. Dès sa scène d’ouverture choquante (un prof se défenestre d’une salle de classe, devant ses élèves), L’Heure de la Sortie happe notre attention par sa capacité à nous questionner, nous déranger, nous bousculer. Par l’entremise d’un scénario aussi vénéneux que diabolique, une ambiance anxiogène, une bande son hyper travaillée et angoissante, cette réflexion sur le monde moderne empêtré dans la crise climatique et agissant sur un groupe de jeunes adolescents comme une bombe à retardement joue sur nous de la même façon que sur le personnage principal. Ce jeune prof remplaçant passe de l’étonnement à la sidération, de l’obsession à la paranoïa, glissant progressivement dans un cauchemar éveillé. Le harcèlement qu’il subit est insidieux, son impuissance à se sortir de cette toile d’araignée de plus en plus étouffante, et grâce à sa mise en scène réfléchie, Marnier tisse une fable écologique nihiliste où il montre combien l’avenir n’offre que des perspectives dénuées d’espoir. Avec ses images en vidéo d’une planète détruite peu à peu par ses habitants et par la succession de catastrophes « naturelles », L’Heure de la Sortie fait presque le constat d’une apocalypse approchant à grands pas. Le groupe d’élèves agissant comme des zombies déshumanisés rappellent fortement Le Village des Damnés , à la différence qu’ici tout est parfaitement réaliste.
En prof déboussolé et effrayé par ce qu’il ne comprend pas, Laurent Lafitte s’avère formidable, trouvant la note juste entre une autorité sans effets et une volonté d’enseigner le plus efficacement possible. Le reste du casting, composé de jeunes dont c’est pour la majorité le baptême de feu à l’écran, voit tout de même se détacher nettement la prestation de Luina Bajrami, mutique et flippante à la fois. Emmanuelle Bercot, Grégory Montel, Pascal Greggory investissent des rôles secondaires courts mais essentiels. Légèrement inabouti dans son final, le film n’en demeure pas moins une franche réussite, d’une stupéfiante originalité et qui détone dans le paysage de notre cinéma hexagonal.
ANNEE DE PRODUCTION 2018.