Alexandre vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès d’enfants.
Jamais à cours d’idées neuves pour nourrir son imaginaire de cinéaste, François Ozon s’est inspiré, pour son vingtième long métrage, d’un fait divers bien réel, l’Affaire du prêtre pédophile Bernard Preynat. En prologue, il est inscrit que ce film reste une fiction, mais elle respecte en tout cas très fidèlement le déroulé des situations. D’ailleurs plus que sur l’affaire judiciaire (alors en cours d’instruction), Ozon relate plutôt le point de vue des victimes et notamment de trois hommes ayant fait bloc commun pour créer leur fondation La PAROLE LIBÉRÉE. L’enquête revient avec minutie sur les abus sexuels perpétrés par Preynat pendant plus de 20 ans et le nombre de ses enfants victimes demeurant innombrable. Comme le souligne à quelques reprises le dialogue, le film n’a pas la volonté de « salir » l’Eglise mais bien de dénoncer des agissements criminels terribles et surtout de rappeler la complicité silencieuse des autorités religieuses, notamment celle du Cardinal Barbarin, mis en cause pour non dénonciation de crimes. Ozon fait preuve d’engagement, invite à la réflexion, dissèque les tourments existentiels de ces trois protagonistes masculins, les conséquences du traumatisme sur les vies d’adultes le plus souvent condamnés à se taire. Là justement la parole prend toute la place, en voix off, en dialogues entre représentants de l église et disciples, en auditions de police, en réunions organisées par les membres des parties concernées, etc… Et ce qui frappe c’est la justesse du propos, la clarté des émotions exposées, aidé par une mise en scène aussi discrète qu’impliquée. Sans tomber dans un réquisitoire facile contre l’omerta d’une institution « intouchable », l’auteur de 8 Femmes expose son sujet avec autant de retenue que de vérité.
Si Grâce à Dieu émeut autant, il faut avouer que ses comédiens y sont pour beaucoup. Melvil Poupaud, résolu et droit, trouve un de ses plus beaux rôles depuis longtemps, Denis Ménochet,roc fragile déterminé à ce que justice soit faite impressionne aussi, tandis que Swann Arlaud est excellent en écorché vif découvrant tardivement que la résilience est possible. Du côté des femmes, Josiane Balasko, Hélène Vincent, Madeleine Ziad tiennent des seconds rôles importants, véritables murs porteurs de la reconstruction masculine. Cette oeuvre forte servant aussi de devoir de mémoire a obtenu un bel Ours d’Or à Berlin, récompensant ses qualités cinématographiques et résonnant comme un cri de rage contre les violences sexuelles faites aux enfants.
ANNEE DE PRODUCTION 2019.