Ingrid, romancière, et Martha, ancienne reporter de guerre, se sont perdues de vue pendant quelques années, après une amitié très forte. Un jour, Ingrid apprend par hasard que son amie est atteinte d’un cancer avancé et court auprès d’elle pour la soutenir et renouer des liens. Martha lui annonce assez vite qu’elle a la ferme intention de « mettre fin à ses jours » pour ne plus supporter les lourds traitements de chimiothérapie et demande à Ingrid de l’accompagner dans cette ultime étape, isolées dans une maison de campagne…
Pour son 23ème opus, le cinéaste espagnol Pedro Almodovar a choisit de relever deux défis: le premier, tourner en anglais pour la première fois, le second s’attaquer à sa manière à un sujet pourtant sombre, à savoir la fin de vie. On peut compter sur lui pour renouveler ce thème délicat grâce à son récit d’amitié féminine, de solidarité dans la maladie et d’accompagnement jusqu’au bout du bout. Almodovar livre une oeuvre lumineuse dans laquelle la parole cohabite avec la pudeur: beaucoup de dialogues entre ces deux amies qui se sont éloignées quelques années et qui retrouvent une complicité intacte dans un moment particulièrement douloureux. Les mots ne soignent pas mais ils apaisent semble nous dire l’auteur de Parle avec Elle, la Nature et le silence viennent ajouter une dose de douceur supplémentaire, les couleurs chaudes telles des symboles de vie tendent à éclater de partout. Il y a du Bergman période Persona dans ce duo intense, quelque chose du double (une qui affronte son destin, l’autre qui est paralysée par l’idée de sa finitude). Comme une caresse, la réalisation d’Almodovar nous frôle sans nous brusquer, faisant presque passer la mort pour une partie de plaisir! Et l’émotion nait d’une épure permanente dans le traitement, loin des excès mélodramatiques que le cinéaste a pu multiplier dans le passé.
Régal d’actrices, La Chambre d’à côté invite à admirer un tandem jusque là inédit: Tilda Swinton (déjà apparue dans le moyen métrage La Voix Humaine) et Julianne Moore (dirigée pour la première fois par le maitre ibérique). Leur alchimie relève d’une belle évidence, toutes deux au sommet de leur Art, bouleversantes autant dans leurs regards que dans leurs silences. Les influences de Sirk, souvent visibles dans les précédents films d’ Almodovar, trouvent ici un accomplissement logique, sans cris ni larmes (ou presque), terminant par une transmission de mère à fille, un autre thème crucial déjà évoqué dans Volver, Talons Aiguilles, Madres Paralelas ou Julieta. C’est ce qu’on appelle un auteur qui a de la suite dans les idées.
ANNEE DE PRODUCTION 2024.