1904/1976
Jean Alexis Gabin Moncorgé dit Jean Gabin est un des acteurs français les plus célèbres du cinéma mondial. Démarrant son activité artistique dans le music hall et l’opérette, il eut très jeune le goût des planches et du jeu. Son destin débute aux Folies Bergères après des petits boulots comme vendeur de journaux à la criée ou cimentier, puis le cinéma va faire de l’oeil à ce sacré beau gosse dès 1930. Il a une allure folle, des yeux bleus acier qui font craquer les dames, une virilité franche avec pourtant une douceur dans le regard, qui vont très vite accrocher la lumière. A seulement 30 ans, il obtient un grand succès avec deux films de Julien Duvivier La bandera et La belle équipe , qui l’impose d’emblée comme un grand acteur qui va être là pour longtemps.
De là, de grands rôles dans des films tout aussi immenses tels que Pépé le moko, Gueule d’amour, Quai des brumes vont le faire rentrer encore un peu plus dans la légende. Il tourne souvent avec les mêmes metteurs en scène (Carné, Duvivier, Renoir), ça tombe bien ce sont les plus talentueux de l’époque d’avant guerre. Son chef d’oeuvre absolu reste La grande illusion, une sorte d’apothéose de son génie d’acteur. Hollywood lui fait les yeux doux, il ira tourner deux films médiocres là bas et sa rencontre avec Marlène Dietrich fera naître une belle histoire d’amour entre eux. Mais la guerre éclate et la donne va changer pour le monde et pour…lui! Il s’engage dans les Forces libres, où son combat contre l’ennemi sera aussi intense que sa passion du cinéma. Il y mettra toute sa hargne.
Le retour à la vie civile et normale après 1945 va, par contre, être une route pavée d’obstacles et de coups durs. D’abord, la rupture avec Marlène est une période compliquée pour le couple, qui est à l’affiche ensemble d’un film assez raté Martin Roumagnac et qui va coincider avec une désaffection du public à son encontre. Les origines populaires s’effacent, son physique a changé, désormais il a vieilli, grossi et arbore des cheveux blancs alors qu’il n’a que la quarantaine. Le nouveau personnage que Gabin va tenter d’imposer est un homme fort en gueule, autoritaire, qui inspire le respect. Durant près de dix ans, le succès lui échappe, en tout cas il n’apparaît dans aucun film marquant. La résurrection va advenir grâce à un réalisateur de taille Jacques Becker , le dirigeant dans Touchez pas au grisbi , un polar à la française absolument unique qui est d’emblée un classique. La savoureuse revanche est à sa portée et la statue ébranlée retrouve son socle.
La France veut du Gabin nouveau cru à foison et elle va être servie! On le voit dans des emplois aussi divers que ceux de clochard, faussaire, gangster, flic, avocat, Président de la République entre autres. Il devient une institution dès 1955 et va tourner plus de cinquante films sur les deux décennies suivantes. Son côté bougon, cassant, donneur de leçons et d’homme solide sont sa marque de fabrique. Même s’il est tout sauf fabriqué! Son naturel fera dire à ses détracteurs qu’il joue toujours sur un seul registre, qu’il ne compose pas ses rôles. Erreur grossière évidemment, il connait son métier sur le bout des doigts, détestant le paraître et les faux semblants de cette profession. Il était une anti Star avec un charisme fou et inimitable. La génération de jeunes acteurs débutants réclame tous de travailler avec lui et les Delon, Belmondo, Brialy se pressent au portillon afin de partager l’affiche avec ce monument du cinéma, qui n’a plus rien à prouver. Qu’importe que ses derniers films soient d’une qualité discutable, hormis Le chat et Deux hommes dans la ville. Il tire sa révérence en 1976, au terme d’une carrière à la longévité exemplaire. Sa présence à l’écran est encore impressionnante quand on revoit ses prestations, servies par des dialogues écrits sur mesure pour cet acteur pudique et dont les silences mêmes étaient d’une rare éloquence.
