Darling a la vie dure: elle souffre depuis toute petite, mais elle continue de rêver. Elle veut connaitre l’amour dans les bras d’un beau routier. Mauvais choix: son Roméo va aussi broyer son existence. Elle se relève pourtant et raconte sa vie d’enfant, d’adolescente, de femme puis de mère. Elle puise en elle une force pour survivre à tout, pour garder la tête haute et sa dignité intacte…
C’est à l’écrivain regretté Jean Teulé que la vraie héroïne de cette histoire (car oui Darling est bien tiré de faits authentiques) que l’on doit d’abord le roman qui relate le calvaire et l’existence cabossée de cette jeune femme au destin terrible. C’est ensuite à Christine Carrière que l’on doit l’adaptation au cinéma (avec ô combien de courage et de tact) pour mettre en images et par les mots une vie de merde subie par cette femme à la cuirasse solide et à l’endurance tenace: la souffrance, son lot quotidien, depuis son jeune âge dans une famille qui ne la désirait pas, entre une mère méchante et un père violent, deux frères morts trop tôt, jusqu’à son mariage catastrophique avec un routier aussi beauf que dérangé la cognant du soir au matin! Oui, Darling parle des violences conjugales avec aplomb, sans misérabilisme (il y aurait pourtant de quoi!), sur un scénario maniant l’ironie et même un certain humour distancié pour supporter l’insupportable, pour tenter de dire l’indicible. Remarqué en 1994 avec Rosine, Carrière propose un mélodrame naturaliste aussi sinistre que du Zola, aussi triste qu’un jour de Novembre sous la pluie, et met surtout en avant une femme combative, que rien ne semble pouvoir détruire totalement! Une survivante, blessée, battue, piétinée, humiliée, niée, courant encore et encore vers un bonheur qui parait lui être obstinément refuser. L’intelligence du traitement fait que jamais on ne peut verser de larmes « gratuites’ sur son sort, car Darling provoque davantage la sidération, nous cloue sur place, choque aussi au plus profond.
Dans le rôle titre, Marina Foïs est au delà de la performance: elle vit, respire, subit, endure, incarne jusque dans sa chair cette Darling qui ne demande qu’une chose: exister, aimer encore, et surtout paraitre belle aux yeux des autres, elle qui ne le fut jamais à ses propres yeux. Un travail d’actrice tout à fait exceptionnel. Ce portrait féminin sauvage et inébranlable serre les tripes, au delà du glauque qu’il charrie, faisant comme un pied de nez aux multiples malheurs vécus par cette héroïne de tragédie. En prime, la violence sourde qui y décrite n’est jamais complaisamment montrée, le hors champ étant le plus terrible finalement, à travers le personnage odieux joué par un Guillaume Canet détestable. Une descente en enfer juste impossible à oublier: Darling marque au fer rouge!
ANNEE DE PRODUCTION 2007.