Dix ans après la Première Guerre mondiale, Julien Davenne vit avec le souvenir tenace de ceux qu’il a aimés et qui sont morts, dont sa femme Julie. Dans son existence vouée au culte des disparus, son seul lien avec la vie réside dans l’éducation dispensée à un enfant handicapé. Un jour, il rencontre Cecilia, qui va partager avec lui ce lien étroit avec la mort…
La Chambre Verte fait figure d’oeuvre à part dans la filmographie cohérente de François Truffaut. Il s’agit sûrement de son film le plus grave, le plus curieux et le moins « commercial » qui soit. De par son sujet, inspiré des thèmes chers à Henry James, à savoir la mort et l’obsession pathologique d’un homme pour elle, de par son ambiance morbide, de son éclairage presque crépusculaire signé Nestor Almendros, et de par son rapprochement avec le fantastique, ou du moins l’étrange. Julien Davenne est un homme hanté, passant sa vie à ne penser qu’aux gens qu’il a perdu et bien décidé à les garder vivants, envers et contre tout. Il va jusqu’à ériger une sorte de petit musée personnel en mémoire de sa défunte femme et finira par restaurer une chapelle ardente, afin d’honorer les êtres aimés et disparus. Cet opus déroutant et fascinant à la fois de l’auteur des 400 Coups s’éloigne complètement de ses préoccupations antérieures (les femmes, la passion, l’amour) et ne craint pas de déconcerter son public avec ce scénario peu attirant « à priori ».
A la lisière du vampirisme et à la limite de la nécrophilie, le film peut rappeler d’une certaine manière le Vertigo d’Hitchcock ou le fétichisme funeste de quelques Bunuel. Truffaut y sacralise la Mort, lui donne le beau rôle, et en même temps raconte l’histoire d’une réclusion, d’une solitude vécue par un homme au bord de la démence, sa propre « folie ». Il décida de jouer aussi le rôle principal, son ton monocorde convient d’ailleurs au personnage (il était conscient de ne pas être un excellent acteur, mais ici ca n’est presque pas problématique). En face de lui, sa partenaire, Nathalie Baye (qu’il dirige pour la troisième fois après La Nuit Américaine et L’Homme qui aimait les femmes) apporte une sensibilité conséquente et un peu de douceur dans la noirceur générale. Malgré son austérité et son macabre assumés, c’est un des plus beaux films consacrés à la mort.
ANNEE DE PRODUCTION 1978.