En Suède, au XVIIIe siècle, Christine accède au trône à l’âge de 5 ans, à la mort de son père. Des années plus tard, alors que la Suède fait figure de puissance dominante en Europe, elle est sur le point d’être mariée à un cousin qu’elle n’aime pas, pour arrangement politique, et décide de fuir cette union. Elle part sur les routes, déguisée en garçon, et fait la rencontre d’un émissaire d’Espagne, Antonio, dont elle tombe éperdument amoureuse. Déchirée entre son protocole de Reine et ses aspirations de femme, Christine va pourtant bien devoir faire un choix…
Avec Le Roman de Marguerite Gauthier, cette Reine Christine reste sans conteste le rôle le plus fameux de la carrière relativement courte de Greta Garbo. Cette reconstitution de la cour de Suède dans un Hollywood de cartons pâtes et de tournages en studio fut un des défis relevés par Rouben Mamoulian, décidant d’en faire une ode à la subversion des genres. En filmant Garbo au plus près, magnifiant son visage mais en l’affublant de costumes d’époque la rendant plus androgyne que jamais, il donne à son film un caractère très ambigu fort intéressant et gonflé. Ainsi, toute la séquence de séduction entre l’actrice mythique et son amant d’alors à la ville, John Gilbert, se joue sur la confusion des genres, sur l’identité trouble, sur le masculin assumant sa part de féminité et vice versa. Sur la forme, le récit se présente comme un film historique conventionnel, mais sur le fond, il interroge et soulève la question du sacrifice de ces figures royales installées sur des trônes et dans l’impossibilité de vivre leur vie d’être humain. La véritable Christine fut une Reine recluse qui abdiqua pour mener la vie qu’elle s’était choisie et se consacra au… catholicisme! Bien sûr, le romanesque et le cinéma américain en firent un personnage tout aussi rebelle et indépendante, mais par amour!
Mamoulian soigne ses décors, sa figuration, ses costumes, et la tenue de sa narration, sans l’alourdir de détails trop indigestes, d’abord pour un public avide de grands sentiments. Il ne cherche pas, à l’inverse de Sternberg, avec L’impératrice Rouge (tournée la même année) de faire à tout prix une oeuvre esthétiquement raffinée, il veut surtout rendre compte de l’abnégation qu’il a fallu à cette grande figure historique pour renoncer à son pouvoir, par choix sentimental. Ainsi, il fait de cette histoire un mélo (certes, qui semblera un peu sirupeux aujourd’hui), mais qui contient un bijou rare: Garbo et son magnétisme incomparable. Le dernier plan du film, captant son regard profond, est un des plus beaux de tout le 7e Art, faisant rentrer ce visage dans l’éternité, et même les cinéphiles les plus endurcis n’ont jamais pu l’oublier.
ANNEE DE PRODUCTION 1934.