Dans le Maine du XIXe siècle, Jenny, une femme très belle et opportuniste sème la mort autour d’elle. Elle n’hésite pas à épouser le père de son soupirant, Ephraim, pour devenir riche. Plus tard, elle reséduit Ephraim et le convainc même de tuer son père pour pouvoir se marier avec lui. Sans scrupules, son calcul ne va pas s’arrêter là…
Ce drame psychologique se déroule dans l’ambiance mystique de Nouvelle Angleterre et présente une des héroïnes les plus mauvaises que le cinéma américain nous est offert. Petite fille déjà, Jenny est une enfant cruelle, mal éduquée par un père alcoolique et une mère absente, et devenant ainsi à l’âge adulte une redoutable ambitieuse pathologiquement manipulatrice. Le Démon de la Chair (le titre éloquent annonce déjà la couleur) est réalisé par Edgar G. Ulmer, hongrois exilé aux Etats Unis, à qui l’on doit Le Chat Noir et une version réussie de Barbe Bleue et sa mise en scène met en relief la ronde funeste d’une névrose féminine fardée derrière une beauté vénéneuse. Sorte de Autant en emporte le vent façon film noir, le récit suit le parcours d’une femme déterminée à devenir quelqu’un, quitte à abuser de ses charmes et surtout à séduire tous les hommes qui croisent son chemin. Pour leur plus grand malheur. Si ses manigances semblent parfois un tantinet appuyées par un scénario ne s’embarrassant pas de nuances, le personnage aussi détestable soit il est également réjouissant de méchanceté et le spectateur se demande bien jusqu’où elle sera capable d’aller. Est ce que l’irruption inopinée de l’amour va finalement venir à bout de cette abjection?
Ulmer dirige sa compatriote Hedy Lamarr, devenue célèbre grâce à sa nudité affichée dans Extase, et qui était juste une des plus belles actrices de l’âge d’or d’Hollywood. Brune racée, regard hypnotique, silhouette de rêve, elle apporte à Jenny tout son savoir faire et la rend aussi inquiétante que charmeuse, aussi méchante que tragique. Certainement son meilleur rôle. Face à elle, Louis Hayward, acteur oublié qui fut l’assassin de House by the River de Fritz Lang et surtout le toujours distingué George Sanders, cette fois en contremaitre profondément bon, tombant dans les filets de la Belle. Si la fin rétablit le désordre général et se conforme à la bonne morale, elle ne gâche en rien ce bijou d’une rare noirceur.
ANNEE DE PRODUCTION 1946