Gérard et Sophie se séparent, mais ils gardent des liens étroits pour leur fils Antoine, 5 ans. Sophie le garde avec son nouvel ami, Jeannot, tandis que Gérard adore son fils, sans le voir beaucoup. Il ne trouve pas sa place entre ses nombreuses maitresses, son travail prenant et surtout il gère mal sa possessivité, son caractère irascible et dur. Il comble Antoine de cadeaux et jalouse la relation que l’enfant entretient avec Jeannot. Un jour, ils apprennent la maladie du Garçu, le père de Gérard, resté en province. Gérard et Sophie accourent à son chevet…
Pour son dixième et dernier film, Maurice Pialat se livre peut être comme jamais, avec ce récit déchirant, autobiographique et aux accents testamentaires. Un testament du cinéaste de Loulou pour son fils, Antoine, qu’il fait jouer ici du haut de ses cinq ans, qu’il filme dans des moments du quotidien, comme pour figer l’enfant dans son innocence et sa pureté. La simplicité désarmante de la narration, alliée à une rigueur de mise en scène inhérente à son style propre, font du Garçu un objet de cinéma à part. Le Garçu, c’est le nom du père qui meurt au centre du film, comme mourrait la mère dans La Gueule Ouverte. Pialat n’a pas peur de représenter la mort de manière crue, frontale, impudique. Heureusement ici, il embrasse aussi la vie toute entière (de l’enfance à la vieillesse, les tourments de l’amour, les disputes de couple) et le miracle se produit lorsque le personnage central, un être parfois cruel et si difficile, ouvre enfin son coeur grâce à sa famille, et surtout à son fils. Toujours avide de vérité et de sensibilité, le cinéma de Pialat atteint là un point crucial: l’acceptation de l’amour.
Comme dans A nos Amours ou Nous ne Vieillirons pas ensemble, le dialogue semble osciller entre l’improvisation et la parfaite maitrise et le discours se pare d’autant d’amertume que de tendresse. La personnalité d’écorché vif du réalisateur ressort comme jamais dans des séquences à priori « banales », où il faut juste ressentir le moment présent. Pour la quatrième fois, Pialat collabore avec Gérard Depardieu, la montagne de chair aussi fuyante qu’écrasante, et en fait son double idéal. L’acteur est une fois encore étourdissant de justesse, à la fois bourru, doux et maladroit. Sa partenaire Géraldine Pailhas avait été choisie pour sa ressemblance physique avec Sylvie, la femme de Pialat dans la vraie vie. Choix heureux, puisqu’elle est formidable jusque dans ses silences. Avec cette ultime oeuvre, l’auteur semble se réconcilier avec lui même, tout en apprivoisant les démons de son passé.
ANNEE DE PRODUCTION 1995.