1870, en Russie. Dans une petite ville près de Moscou, vivent trois frères: Dimitri, Alexei et Ivan. Dimitri est un officier joueur invétéré qui déteste son père, Alexei un saint très pieux, et Ivan un cynique qui ne croit en rien. La vie de Dimitri va être bouleversée par deux femmes: Katia, très amoureuse de lui et surtout Grouchenka, une des nombreuses maitresses de son père et dont il s’éprend très vite… accentuant du coup les tensions familiales…
L’américain Richard Brooks, réalisateur de La Chatte sur un toit brûlant, s’empare du roman fleuve de l’écrivain russe Dostoïesvski pour conter cette sage familiale, où se déchainent les passions les plus exacerbées. Il parvient à en restituer l’essence, ne trahit pas l’esprit originel du récit, même si pour des raisons évidentes de durée, il a été contraint de couper certains passages, pour ne garder que les temps forts. Les personnages débordent d’exaltation, de violence intérieure, et l’aspect métaphysique n’est pas totalement absent d’une narration qui veut éviter au maximum l’académisme. Brooks utilise le procédé Metrocolor pour apporter à ses décors et à ses images une touche flamboyante. Hésitant sans cesse entre le Bien et le Mal, Dimitri, Grouchenka, Katia et les autres sont mus par des forces qui les dépassent, les rapports fraternels mis à mal par la jalousie, le ressentiment, l’amertume. Adapter une histoire aussi dense n’est pas une tâche aisée et Richard Brooks démontre qu’il sait diriger une entreprise gigantesque, tout en sachant y apposer son style.
Des esprits grincheux, à l’époque de la sortie du film, lui ont reproché une lourdeur dans la réalisation, un manque de point de vue, mais la fidélité au roman s’avérait indispensable, tant le récit de ces trois frères et de leur père a fait le tour du monde. Pour les incarner, la distribution très cosmopolite fut également un des éléments de contestation. Pourtant, Yul Brynner met tout son charisme au service de Dimitri (il est vrai que le scénario se concentre en priorité sur lui), Maria Schell est une fort ravissante Grouchenka au sourire enjôleur (Marilyn Monroe avait nourri l’espoir de l’interpréter et elle aurait été sûrement sublime), et Lee J. Cobb endosse le rôle écrasant du patriarche avec une tendance à cabotiner, façon Actor’s Studio. Pour retrouver la véritable âme russe, mieux vaut relire le livre, mais nul doute que cette version filmique recèle aussi des qualités indiscutables.
ANNEE DE PRODUCTION 1958.