Lucien Chardon est un jeune poète provincial inconnu, dans la France des années 1830. Il nourrit de grands espoirs et veut forger son destin. Il quitte l’imprimerie familiale pour tenter sa chance à Paris. Rapidement livré à lui même dans cette ville fabuleuse mais carnivore, le jeune homme se faisant appeler Lucien De Rubempré va découvrir les coulisses d’un monde voué à la loi du profit…
Pour son huitième long métrage, le réalisateur Xavier Giannoli, déjà heureux auteur de Marguerite en 2015, prouve que comme le vin, il se bonifie avec le temps. En adaptant le foisonnant roman de Balzac, partie intégrante de sa Comédie Humaine, il polie le matériau originel et en fait une flamboyante tragédie moderne. Se déroulant sous la Restauration, l’action tourne autour du monde des élites, de la presse, et des Arts, et dresse un portrait au vitriol de personnages sans scrupules, hypocrites, gangrénés par la corruption. Giannoli maitrise sa mise en scène avec virtuosité, son style élégant et son désir de restituer l’essence de cette époque jaillissent tout au long des 2H30 de projection. La reconstitution, les costumes, l’esprit sont à la fois fidèles à Balzac, mais en privilégiant le côté sombre de cette histoire d’initiation tragique, le cinéaste opère surtout un brillant retour aux origines de notre société capitaliste d’aujourd’hui. Jacques Fieschi (scénariste de Sautet notamment) a concocté des dialogues très écrits et formidables à jouer pour tous les comédiens ici présents. Le beau personnage de Rubempré, petit parvenu touchant à la gloire avant de sombrer dans une chute vertigineuse, possède une richesse et une profondeur impressionnantes.
Comme dans son autre film A l’origine, Giannoli questionne le mensonge, les petites compromissions, creuse l’écart entre échec et réussite, sans jamais nous ennuyer ou nous perdre: le rythme trépidant du récit nous entraine dans une valse ensorcelante menant directement à la cruauté. Le casting cinq étoiles achève de rendre l’ensemble fastueux et rutilant: tous sont irréprochables (Vincent Lacoste, Cécile de France, Depardieu, Jean François Stévenin dans son dernier rôle, et une impériale Jeanne Balibar en marquise hautaine), mais un point fort revient à Xavier Dolan, aussi excellent acteur que réalisateur. Et bien entendu à Benjamin Voisin, la révélation de Eté 85 d’Ozon, qui confirme sa fougue, son aisance naturelle, il est de tous les plans et on ne peut pas facilement détourner notre regard d’une pareille présence. Un très grand film qui nous donne envie de nous replonger dare dare dans Balzac.
ANNEE DE PRODUCTION 2021.