Jean Valjean, un paysan condamné à cinq ans de travaux forcés pour avoir volé une miche de pain, sorti du bagne après 19 ans. Son destin bascule lorsque l’évêque de Digne, Monseigneur Myriel, lui éviter d’être de nouveau incarcéré. Dès lors, Valjean va s’évertuer à ne faire que le bien autour de lui au détriment de son propre bonheur…
Il s’agit de la dixième (!!) adaptation du grand classique de Victor Hugo. Divisé en deux époques, Les Misérables est pris en charge par un des réalisateurs les plus décriés par la Nouvelle Vague, Jean Paul le Chanois, représentant le cinéma français le plus « vieillot », celui qui fut qualifié de « Qualité Française » et qui s’effaçait totalement derrière ses sujets. Le contraire d’un auteur en somme qui dévoilerait son point de vue dans une mise en scène au style personnel. Cette fois, il se « cache » donc derrière Hugo, même si en conservant l’aspect social du roman, il reste infiniment fidèle aussi à ses idéaux communistes bien connus. Sa version n’est pas en soi honteuse: le Technicolor, par exemple, offre une vision grandiloquente chère aux superproductions, la description les différents visages de la misère (sociale, humaine, psychologique) est très louable: il garde l’essentiel de l’intrigue pour aboutir à une durée de 3H, et s’efforce de proposer un spectacle populaire dans le bon sens du terme. Bien entendu, sa mise en scène très scolaire se ressent surtout dans le déroulement du récit qu’il filme plutôt platement (seule une voix off comble parfois les vides laissés par une carence notable de « personnalité ») et dans l’utilisation quasi permanente des décors de studio à l’apparence très « carton pâte ». En vaste fresque épique, Les Misérables raconte le parcours d’un homme brisé par l’univers carcéral, soucieux de se racheter tout au long de sa vie pour des fautes minimes l’ayant maintenu dans une culpabilité profonde et dont l’altruisme guide chacun de ses actes.
Le Chanois savait que son film ne pourrait trouver son public qu’avec une distribution de poids: ainsi, il confia le rôle de Jean Valjean à Jean Gabin, qu’il avait déjà dirigé dans Le cas du Docteur Laurent. Gabin apporte sa carrure, son autorité naturelle, sa force de caractère à ce personnage plus grand que la vie et le joue avec sincérité. Puis, il prit Bernard Blier pour incarner Javert, le commissaire de police rigide et imperturbable. Cependant, le meilleur d’entre tous est certainement Bourvil, extraordinaire dans la crapulerie de Thénardier: un contre emploi prouvant la diversité de son registre. Le reste du casting comprend Danièle Delorme, Serge Reggiani, Sylvia Monfort. Si cette adaptation est loin d’être la plus satisfaisante, ces Misérables marque l’avènement d’un cinéma fabriqué confortablement figé « dans les clous ». Et à vulgariser un monument de notre littérature.
ANNEE DE PRODUCTION 1958.